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Traveller : une Nouvelle Ere

Par Thom'

Rubrique : Interviews
Date : 08 mars 2007

 

[Mise à jour - 9 mai 2009 : nous avons appris que le projet de VF de Traveller, tel qu'il est décrit ci-dessous, est annulé - l'équipe du GROG]

 

Parmi les grands anciens du jeu de rôle, ils ne sont pas nombreux à pouvoir se targuer d'avoir connu une première édition avant les années 80, à l'époque où chaque nouveau jeu ou presque était le précurseur ou le fondateur d'un genre. Traveller est de ceux là, qui posa les base du jeu de rôle de Space Opera, dans la droite lignée des sagas de Science-Fiction chères aux lecteurs des années 60 et 70. Et ce n'est sans doute pas une simple coincidence s'il arriva sur les rayonnages alors que la saga de la Guerre des Etoiles débutait à peine son histoire.

Traveller a connu ensuite une étonnante longévité, survivant à 30 ans de jeux de rôles, épuisant éditions et éditeurs, s'adaptant sans broncher à la déferlante d20, après avoir échappé aux attaques contre le loisirs du début des années 90, il est vrai principalement dirigées aux Etats-Unis contre D&D. Traveller fait partie de ces gammes dont les spécialistes peuvent parler des heures durant dans un jargon encore plus obscur pour le béotien que ne l'est une partie de jeu de rôle pour une grand-mère.

Cependant, malgré le succès du jeu aux Etats-Unis et le nombre de ses afficionados, et pour aussi étonnant que cela puisse paraître, Traveller ne fut jamais traduit dans la langue de Molière. La faute au peu de succès des jeux de Science Fiction en France ? A la trop grande complexité de la gamme et à l'ampleur de la tâche ? A l'omniprésence des Star Wars et autres Fading Suns ? Aujourd'hui, alors que le jeu va bientôt fêter sa trentième année, l'affront va enfin être réparé, puisqu'un jeune éditeur, Tud Glas, a décidé de se lancer dans l'aventure, pour enfin proposer aux rôlistes francophones la possibilité de jouer dans cet univers si particulier. Et c'est avec Philippe Tromeur, le fondateur de Tud Glas et principal traducteur, que nous allons parler de cette future édition, au planning déjà bien chargé.



Q - Bonjour Philippe. Tu étais surtout connu sur le web pour tes productions indépendantes, comme René. Qu'est ce qui t'a décidé à te lancer dans l'édition papier ?
R - Je n'aime pas vraiment le terme d'indépendant qui n'a de sens que d'un point de vue financier. Mes créations personnelles sont très succinctes et mises à disposition gratuitement. Pour ce type de production mineures, je compte continuer sur ce modèle car je ne considère pas le JdR comme un moyen de gagner de l'argent. Traveller, c'est quelque chose de différent ; je suis tombé amoureux du jeu au point d'en devenir un militant décidé à le faire connaître à la France entière... Cependant, une diffusion sur internet ne touche finalement que très peu de personnes : une diffusion en boutique paraît donc indispensable pour réellement faire connaître un jeu. Cela demande un gros investissement financier et la nécessité de se conformer à la loi. Il y a très peu de chance que ce soit une entreprise rentable, d'où la création d'une association 1901.

Q - Comment est-ce que tes comparses t'ont rejoint dans l'aventure ?
R - L'un d'entre eux est un ami non-rôliste, d'autres camarades ont été recruté suite à mes messages divers sur des forums de discussions consacrés au jeu de rôles, et j'ai également démarché par e-mail quelques fans acharnés du jeu. Comme toute association, Tud Glas est ouverte et chacun peut arriver à tout moment, s'il a une envie de donner un coup de main.

Q - Pourquoi Traveller ? Comment as-tu découvert ce jeu ? Qu'est ce qui a plu à l'équipe dans Traveller ?
R - En France, Traveller souffre d'une certaine confidentialité. Pire, de nombreuses personnes pensent que Traveller est un jeu très compliqué, faisant sans doute une confusion avec son petit cousin Space Opera. Moi aussi j'avais cette opinion jusqu'à une date très récente, en septembre 2004. Par la plus grand des hasards, j'ai acheté la compilation Adventures 1-13 trouvé dans un bac à soldes. Ce que j'ai lu m'a fasciné par la simplicité et l'originalité des règles, et le côté "low-tech" et fourre-tout de l'univers. Je me suis alors procuré de nombreux livres pour le jeu, et ma décision de le traduire en français fut prise un ou deux mois après. D'autres membres de l'association sont de vieux fans, qui ont découvert ce jeu à son heure de gloire, il y a 20 ans ou plus.



Q - A ton avis, quels sont les atouts de Traveller pour se démarquer des autres jeux ?
R - Traveller est un jeu aux règles simples, mais d'une grande richesse et cohérence. De même, l'univers de Traveller est facile à appréhender, une fois que l'on assume les options technologies et sociales du jeu. Comme Marc Miller le dit lui-même, Traveller consiste à mettre les personnages d'une société technologique dans la situation des aventuriers espagnols du XVIIIe siècle : un gigantesque empire que les informations mettent des mois à traverser, semé de territoires variés entre lesquels les aventuriers peuvent mener de juteuses affaires commerciales. Le niveau technologique de cet univers est relativement bas, en dehors des hypothèses de base : voyage interstellaire, énergie de la fusion, antigravité. Par exemple, les armes laser personnelles sont rares et peu pratiques. Les gens préfèrent se battre avec de bons vieux fusils à pompe et des sabres d'abordage en acier solide. Traveller remplit parfaitement ce créneau, peu abordé en JdR, du space opera low-tech rencontré dans des films comme Alien(s), des séries TV comme Firefly, ou des romans comme la série Honor Harrington.

Q - Vu l'ampleur de la gamme Traveller en anglais, ne crains-tu pas que les joueurs potentiels se retrouvent un peu perdus ? Quelle(s) édition(s) exactement sera(ont) traduite(s) ? Au milieu du foisonnement des éditions en anglais comme en allemand, quelle est la démarche de Tud Glas ?
R - La gamme Traveller est extrêmement riche, mais si les joueurs français ont envie de se mettre à l'anglais, on peut supposer qu'ils se sont renseignés au préalable sur les diverses éditions disponibles, qui se concentrent sur des périodes différentes de l'univers du jeu. Pour résumer les différentes éditions : Classic Traveller (publié de 1977 à 1987) raconte l'apogée d'un empire interstellaire, le Troisième Imperium. Megatraveller (publié de 1987 à 1992) raconte la chute de cet empire en proie à une atroce guerre civile, et utilise un système de jeu très semblable à la version précédente. Traveller: the New Era (1993-1996) raconte la renaissance de la civilisation, un siècle après l'effondrement du 3e Imperium, et il utilise un système de jeu très différent, qui était déjà employé dans Twilight 2000. Marc Miller's Traveller / T4 (publié de 1996 à 1997) revient mille ans en arrière, dans les premières années du Troisième Imperium, et utilise un système qui se rapproche à nouveau des premières versions du jeu. Enfin, GURPS Traveller se déroule dans une réalité parallèle où les événements de Megatraveller n'ont jamais eu lieu, GURPS Interstellar Wars raconte la "préhistoire" du jeu : la chute du Premier imperium face à la Terre, Traveller T20 se passe 100 ans avant Classic Traveller, et Traveller 1248 se déroule 50 ans après The New Era.

La version française se concentrera exclusivement sur les règles et la période "Classic", en débordant peut-être un peu sur la période "MegaTraveller" qui est dans une continuité temporelle directe, avec des règles compatibles à 90%. Les versions allemandes (1985), espagnole (1989) et japonaises (1986, 2003) sont également basées sur la version "Classic", qui reste la version la plus simple et la plus pérenne du jeu. En ce qui concerne Megatraveller, nous nous inspirerons sans doute de l'exemple allemand en faisant un ouvrage qui fasse le lien entre CT et MT (cf. Splitter des Imperiums).

Q - Quel est le format prévu pour les ouvrages ? Est-ce que le côté "vintage" de Traveller va être conservé, ou est-ce que les illustrations vont être remises au goût du jour ?
R - Les livres seront au format A4, couverture souple, avec une pagination compacte. Le livre de base fera ainsi 176 pages. La moitié des illustrations sera reprise telle quelle des ouvrages originaux, et la mise en page respectera le minimalisme d'origine, avec quelques légères fioritures. Trois artistes ont été chargés de faire de nouvelles illustrations pour le jeu, offrant un nouveau regard sur cet univers : Sébastien Mauroy a fait de nombreuses vignettes pour agrémenter les chapitres, Jérémy Masson et Laurent Silliau s'occupent des dessins pleine page. Ces illustrations ne détonnent pas par rapport aux anciennes, mais leur redonnent plutôt un bon coup de jeunesse.
Q - Est-ce que le jeu adoptera une des nouvelles formes de distribution (souscription, vente par le web, auto-distribution, distribution associative, etc.) ? Ou est-ce que Tud Glas a fait appel à un réseau de distribution existant ? Qu'est ce que cela implique pour les joueurs (présence du jeu dans les magasins, moyens de se le procurer, etc.) ?
R - Une souscription sera très prochainement lancée pour le jeu, dans un but promotionnel plutôt que financier. Nous allons nous affilier au réseau de distribution associatif Légion, pour la distribution en boutiques. Le jeu devrait donc avoir une disponibilité proche de celle de Talislanta ou Crimes. Nous n'avons pas encore étudié la distribution internationale ou l'e-commerce, mais nous ferons notre possible pour assurer une distribution la plus large possible.


Q - Le Space Opera est considéré depuis longtemps comme un "genre à risque" par les éditeurs français, et on peut même dire que c'est un genre sinistré en France, avec à peine une poignée de jeux sortis en dix ans (Fading Suns, Final Frontier, Métabarons, R.A.S. et Tigres Volants, depuis 1996). Est-ce que tu penses qu'il y a un public pour le jeu de Space Opera en France ?
R - Notre projet n'a aucune ambition financière, et a un but totalement désintéressé : faire connaître au plus grand nombre un excellent jeu. Si "le plus grand nombre" concerne quelques centaines de personnes, tant pis, nous n'allons pas en faire une maladie.


Q - Quelles sont les ambitions de Tud Glas en terme de ventes ?
R - Nous allons faire un premier tirage à 500 exemplaires du livre de base, en espérant qu'il s'écoule en quelques mois afin que nous fassions un retirage rapide, par un imprimeur en numérique. Les suppléments seront tirés en nombre moins important (sans doute vers les 300 exemplaires). La sortie de l'écran sera conditionnée par le succès du livre de base.

Q - Est-ce que tu crains la concurrence des deux jeux francophones de Space Opera parus en 2006, Final Frontier et Tigres Volants ? Et celle du gros morceau à paraître qu'est Warhammer 40k ?
R - Le JdR qui ressemble le plus à Traveller est sans doute Serenity, inspiré d'une série TV elle-même fortement inspirée par Traveller. Cependant, il y a très peu de chance qu'il soit un jour traduit en français... En ce qui concerne les autres jeux cités, ils sont assez différents de Traveller. Vu la confidentialité de notre loisir, je pense que ces jeux de rôles sont complémentaires plutôt que concurrents.
Q - Le planning semble déjà chargé, et le travail d'unification entre les éditions considérable. Beaucoup d'anciens auteurs et éditeurs affirment que le plus dur n'est pas de sortir un livre de base, mais de maintenir ensuite le rythme et l'envie. Quelles sont les objectifs et les moyens de Tud Glas à ce niveau ?
R - Dans la plus grande tradition du JdR français, notre planning est relativement élastique : nous aurons sans doute quelques glissements mais nous essaierons de tenir le public au courant quelques mois avant. Il n'est d'ailleurs pas si chargé que cela. Le livre de base est court, les suppléments aussi. L'univers de Traveller étant vaste, et ses règles très compactes, tous les suppléments sont facultatifs et le livre de base contient déjà de quoi jouer très longtemps...

Notre but n'est pas de faire absolument un suivi énorme : nous sélectionnerons ce qui nous semble le plus important pour les possibilités de jeu les plus vastes possibles. Le livre de base présente l'univers du jeu dans sa globalité, avec un zoom sur une région spatiale particulière : les Marches Avancées. Le livret de l'écran continuera de détailler cette région, grâce à la chronologie d'une guerre. Le supplément "Contacts" prendra un peu de recul pour présenter plusieurs peuples étrangers. Le supplément "Solomani" détaillera une autre région spatiale, et les "grands méchants" du jeu : les Terriens. Des suppléments ultérieurs ne sont encore que pure conjecture, mais un supplément technologique paraît une bon idée... En ce qui concerne la motivation, pour l'instant le projet repose essentiellement sur ma motivation un peu folle, pour laquelle je sacrifie une bonne partie de mes loisirs et de mon temps. Pour l'instant ça dure depuis trois ans, mais ça ne durera sans doute pas indéfiniment...

Q - Est-ce qu'une traduction de l'édition d20 est prévue ?
R - Non. Je n'apprécie pas le d20 System à titre personnel, et encore moins sa variante Traveller, qui rajoute des couches supplémentaires de complexité. Le supplément Gateway to Destiny est cependant à recommander pour toutes les versions de Traveller, même si nous ne pensons pas le traduire, histoire de ne pas trop nous disperser.

Q - Le mot de la fin ?
R - Ce projet découle d'une volonté de rendre enfin disponible en français le JdR de science-fiction le plus riche et le plus populaire, et qui continue à se développer. C'est pour nous une très grande fierté que d'offrir au public francophone une vision de la SF qui reste très originale après 30 ans d'existence !


Merci à Philippe et à l'ensemble de l'équipe d'avoir répondu à nos questions.
Pour en savoir plus :

La gamme Traveller sur le Grog
La gamme Traveller T20 sur le Grog
Le site de l'éditeur Tud Glas (fermé)