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La société pardonne souvent au criminel, jamais elle ne pardonne au rêveur (O. Wilde)

Tenga

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Références

  • Gamme : Tenga
  • Version : première édition
  • Type d'ouvrage : Livre de base
  • Editeur : John Doe
  • Langue : français
  • Date de publication : janvier 2011
  • EAN/ISBN : Pas d'ISBN ou non saisi
  • Support : Papier
  • Disponibilité : Paru

Contributeurs

Contenu de l'ouvrage

Matériel

Livre de 192 pages à couverture souple au format 16 par 24 cm.

Description

Le livre de base de Tenga s'ouvre, après une page introductive, par une section présentant le jeu, Découvrir Tenga (31 pages). Après un bref topo sur la période du jeu, un système de création rapide de personnage, sur une base d'archétypes, est proposé. Les différents éléments importants des règles et la résolution des actions sont ici brièvement décrits. Une deuxième partie est composée de plus de cinquante archétypes prêts à l'emploi.

Jouer à Tenga (27 pages), la section suivante, débute par les règles de création de groupe. Les raisons de créer formellement un groupe, la manière de définir ses caractéristiques (karma, ambition, ressource, etc.) sont présentées. Les autres chapitres de cette section sont consacrés aux règles complètes de création de personnage. La création, en neuf étapes, débute par le choix d'un concept et d'une génération (la tranche d'âge du personnage qui a une influence sur les points de karma disponible, le maximum possible dans une compétence, etc.). Le reste de la création se fait en répartissant des points de création. On termine par la description des compétences, des caractéristiques et des privilèges et revers.

La troisième section, Donner vie à Tenga (55 pages), est subdivisée en trois chapitres. Le premier propose une rapide histoire du Japon des origines jusqu'en 1582. Le second est consacré aux diverses factions qui se disputent la suprématie sur le pays. Après une rapide présentation de la faction, ses principalles personnalités sont détaillées. Les clans Oda et Tokugawa, ainsi que plusieurs clans mineurs, la cour, les Shinobi, les Européens, les marchands et les pirates sont ainsi tour à tour présentés. Le troisième chapitre donne des informations sur la vie quotidienne dans le Japon de la fin du XVIe siècle, comme la géographie, la démographie, la religion, les mœurs, la justice et la structure sociale.

Mener à Tenga (50 pages) est destiné au meneur de jeu. Outre des conseils de mise en scène, cette partie contient les règles de résolution des actions et des combats. Sont présentées la manière d'interpréter les succès et échecs, mais également les règles d'utilisation du Karma et la manière dont un personnage peut modifier le résultat d'une action. De nombreux encarts proposent des tableaux récapitulatifs et donnent des conseils pour gérer les règles. Des règles optionnelles permettant de complexifier les combats ou d'introduire le surnaturel dans Tenga et un bestiaire d'une dizaine d'animaux concluent cette partie.

Un scénario de 13 pages (Troubles au Honnô-ji), débutant par un combat pour la survie de leur communauté, envoie les personnages comme escorte de dignitaires à la cour pour négocier. Une fois là-bas, et alors qu'ils doivent chercher une solution pour éviter le suicide du dignitaire, ils seront aux premières loges pour assister à l'assassinat de Oda Nobunaga.

Un guide de prononciation du japonais et des listes de noms et prénoms sont proposés en annexes du livre de base (13 pages). Ces dernières comprennent également les tables de référence, une fiche de groupe, ainsi qu'une liste des places fortes précisant qui les occupait à l'époque.

Cette fiche a été rédigée le 30 novembre 2010.  Dernière mise à jour le 8 janvier 2014.

Critiques

Bunk  

Je ne vais pas tourner autour du pot, j'ai adoré ! Le format JD, d'autres l'ont dit avant moi et mieux, c'est un format vraiment pratique et agréable tout en étant un bel objet. La mise en page est dense mais on est loin d'étouffer et c'est un plaisir que de lire un livre de jdr aussi bien rempli (utilement quoi). Pour ce qui est des illus', félicitations à Akhad pour la sobriété et la légèreté de son trait, j'ai vraiment apprécié ! Elles donnent bien le ton je trouve.

Le fond maintenant. J'ai été comme beaucoup très attiré par la lettre d'intention initiale de Tenga, qui arrivait à mettre le doigt sur des envies de jeu que j'avais depuis longtemps, sans jamais vraiment en prendre conscience. D'une part par le cadre, le japon médiéval, mais aussi et surtout par sa thématique, très proche des gens, de leurs motivations propres et de leurs dilemmes personnels. Les films Harakiri et Goyokin ont été des claques quand je les ai vu il y a quelques années, mais je n'aurais jamais pensé pouvoir jouer ce genre d'ambiance en jdr. Et bien maintenant c'est possible !

Tout au long de la lecture, on sent que l'auteur est vraiment passionné par son sujet, et on devine la maîtrise qu'il a de celui-ci. Qu'il y a une vraie réflexion derrière. En général les systèmes de jeu ont tendance à me faire fuir. J'entends la lecture des systèmes de jeu. Et bien là, force est de constater que la lecture de celui-ci n'a pas été éprouvante pour moi, d'une part parce que le texte est vraiment émaillé de nombreux exemples permettant de mieux appréhender le système, et d'autre part car ces règles sont toujours expliquées dans la perspective de l'ambiance et de la saveur particulière du jeu. On sent à la lecture une totale adéquation entre le système et le sujet traité, ne serait-ce que par les nombreux conseils et mises en perspective qui émaillent la lecture. La création de groupe est d'une simplicité lumineuse et me semble être adaptable à nombre d'univers de jeu, tant elle est pleine de bon sens. Elle permettra à chaque table de trouver son plaisir de jeu, pourvu que les joueurs s'investissent un minimum.

La simplicité du système de résolution est aussi un plus à mes yeux. Tout en restant vraiment dans le ton réaliste et tragique (entretien, valeurs, effort…) , il permettra de ne pas s'embourber des heures dans des calculs infinis. J'avoue avoir lu les règles optionnelles de combat un peu en diagonale par rapport au reste, mais je suis presque sûr qu'elles combleront les joueurs qui ont envie d'un peu plus de tactique dans un combat.
Le chapitre Mener à Tenga est dans la veine du reste du système : clair, plein de conseils ludiques et de bon sens.

En ce qui concerne le cadre, je comprends mieux désormais ce qui a poussé l'auteur a placer le jeu à cette époque. L'île est vraiment à une époque où tout peut basculer et où la liberté des personnages n'aura pas de limites. J'avoue que c'est ce que j'ai toujours craint avec des jeux à prétention historique; le fait d'être enfermé dans un carcan (mais je suppose que c'est plus un blocage mental qu'une réalité). Là où à mon sens Tenga réussit son pari de jeu historique, c'est qu'il a un ton et des thèmes bien particuliers et que ces derniers sont correctement mis en perspective dans le bouquin. Que la somme de connaissances (aussi bien la casse des clichés qu'un européen comme moi peut avoir du Japon que les infos pratiques sur la vie quotidienne par exemple) incluses dans le livre sont écrites de manière pratique, dans une optique de jeu, et pas dans une optique de livre d'Histoire. Je n'ai évidemment rien contre les livres d'Histoire, mais pas quand j'achète un jeu de rôles. Je me rappelle de mon acquisition de Sengoku il y a très longtemps, j'étais ravi d'avoir enfin un jeu historique sur le Japon, et je n'ai jamais réussi à en tirer quoi que ce soit. C'était encyclopédique (comprendre chiant), et à la fin de la lecture je ne savais absolument pas comment faire jouer, comment mettre en scène l'époque, quels personnages jouer. Il manquait entre autres des thématiques fortes et des partis-pris intéressants. Et c'est ce que j'ai trouvé dans Tenga ! Tout le texte est encore une fois au service de l'ambiance voulue par l'auteur : l'Histoire se contente de l'essentiel pour comprendre la situation de l'époque, les principales factions donnent une bonne idée des forces en présence et de comment pourrait basculer la suite des évènements, quant à la partie sur la vie quotidienne elle permettra je pense d'aborder le cadre du jeu sereinement (Donner vie au Tenga, le titre du chapitre ne ment pas).

Mention spéciale aussi au chapitre sur le surnaturel. J'aime beaucoup l'approche réaliste. Réaliste car profondément ancré dans la culture et la vision du monde que pourraient avoir des personnages de cette époque, pas réaliste pour dire "ça n'existe pas". Les idées de mises en scènes des yokais, de la manifestation des kamis ou les rites divers contribuent réellement à l'ambiance !

Le scénar ensuite m'a l'air plutôt sympathique et utile pour faire comprendre à vos joueurs dans quel univers leurs persos évolueront. La trame les implique direct dans l'histoire avec un grand H (qu'ils en soient acteurs ou juste spectateurs). Il ne conviendra sans doute pas à tous les groupes en fonction de leurs orientations de campagne, mais il aurait été difficile je pense de faire un scénar générique exploitable par tous. La liberté de création de groupe est telle qu'il serait impossible de contenter tout le monde.

Les annexes ensuite sont très pratiques, mention spéciale aux tableaux de noms et prénoms qui éviteront les noms de persos (pj comme pnj) à l'arrache. Peut-être qu'un petit lexique de termes japonais aurait été le bienvenu, mais moyennant quelques recherches ce n'est pas insurmontable. De même quelques infos sur l'architecture des bâtiments ou une idée du coût de la vie auraient été pratiques, mais je chipote là.

Bref, j'ai adoré Tenga, pour ses thèmes et son cadre, et pour la maestria avec laquelle ces thèmes et ce cadre sont explicités et définis. Le texte respire la passion et l'intelligence et la lecture donne au fil des pages de nombreuses images et idées au lecteur.

Critique écrite en janvier 2011.

Baby Firefy  

 

Certains systèmes enrichissent une expérience ludique en participant à l’immersion dans l’univers de jeu. Ils agissent ainsi au même titre qu’une nouvelle d’ambiance, qu’une illustration, qu’un univers bien décrit. Il n’y a dans l’idéal plus de nécessité de distinguer l’univers des mécanismes de jeu tellement ceux-ci sont imbriqués. C’est le cas de Tenga. Ce jeu permet à vos joueurs d’incarner un japonais de la fin du 16ème siècle, à savoir un personnage d’un côté profondément déterminé mais aussi disposant d’un libre arbitre presque imposé par le chaos d’une période troublée.

Lorsque vous jouez un personnage à Tenga, vous interprétez quelqu’un inextricablement pris dans une toile d’obligations sociales le reliant à sa famille, à son clan, à l’empereur, aux diverses classes sociales. Il s’agit avant tout, pour votre personnage, de conserver le comportement approprié à sa position. Reflétant cette importance du groupe, la première chose que vous devrez faire, joueurs, c’est de donner une existence propre à votre entourage immédiat pendant la campagne. A Tenga, vous pouvez jouer une mère courage ou un yojimbo ( garde du corps), un moine sohei ou un teinturier (un pariah). Malgré les différences de conditions, vous serez tous liés au sein d’un groupe où vous partagerez un certain nombre de ressources, de valeurs, qui seront à disposition de vos joueurs même s’ils n’ont pas été acquis par le personnage. Vous partagerez aussi des ennemis. Mais attention, n’allez pas croire que vous allez faire de la gestion de domaine à la ADD ou Ars Magica. Ce n’est pas impossible (après tout vous pouvez jouer un daimyo) mais ce n’est pas l’objectif du jeu. Celui-ci reste un jeu basé sur les individus et sur des aventures personnelles. Ainsi, aussi bien les éléments historiques que le groupe même constitueront un cadre pour les pérégrinations de votre personnage. Ce cadre n’est pas juste un décor en ce sens que la création du groupe aura un effet réel sur les capacités du personnage. Le groupe fait partie de son existence et donc de sa destinée. Ainsi dés le début de la partie, le personnage se voit attribuer des points de confiance de la part des autres personnages. Cette confiance pourra être dépensée pour aider significativement le personnage lors d’actions où intervient un membre du groupe ainsi lié. Et ce même à l’encontre de la volonté du personnage que vous utiliserez pour parvenir à vos fins. Telle est la force du groupe. Ce lien entre les personnages s’exprime aussi par le biais d’une compétence partagée par les joueurs, leur permettant d’effectuer des prouesses quand ils combinent leurs forces.

Sources de complications diverses, enjeu de luttes de pouvoirs, soutien permettant de faire basculer une situation avantageusement, le groupe est un personnage joueur comme les autres avec qui il faudra composer pour avancer dans la campagne.

Il est probable que c’est la nécessité de « tenir sa place » dans la société, ainsi qu'une nature cruelle et une société violente qui ont contribué à donner une telle importance à la prédestination dans l'univers du jeu. Originalité de Tenga : la destinée du personnage est prise en compte dés que nous commençons à remplir la fiche de personnage et elle le sera tout le long de la campagne. Ainsi dès la phase préparatoire à la création du personnage, le traditionnel brainstorming, il faudra non seulement déterminer son background mais aussi l’ambition du personnage et son karma. Ce dernier est l’évolution du personnage telle que la conçoit le joueur, alors que l’ambition serait plutôt le point de vue du personnage. Je crois que c’est bien la première fois que je vois sur une fiche de personnage apparaitre une manifestation aussi intime du joueur. Les archétypes sont très intéressants sur ce point car ils fournissent des exemples de karma. L’un des talents de l’auteur est d’avoir réussi à condenser un grand nombre d’informations en peu de pages. Vous trouverez presque toujours dans les exemples, les commentaires (bien sûr) ou dans d’autres points de règles, la réponse à vos questionnements. Si vous vous demandez quelle est la spécificité du Karma, lisez les archétypes ! Alors que l’ambition sera une volonté positive car provenant du personnage, le karma est ce qui fait se questionner le joueur sur ce qui sera non pas le meilleur pour son personnage mais le meilleur pour son histoire. Le drame et la tragédie retrouvent là leurs antiques attraits. Le passé du personnage apparait lui aussi sur la fiche de personnage sous la forme de sa révolte, ce qui l’a poussé à sortir du droit chemin, à prendre la route, à désirer dépasser sa condition. L’une des finesses de ce jeu c’est de constituer ce qui semble être une cage autour du personnage, dont les barreaux seraient les contraintes sociales et la destinée, la faire ressentir sciemment aux joueurs, mais en même temps leur donner conscience d’une incroyable liberté. Les joueurs sont des rebelles, même si à un moment ou à un autre, leur destinée les rattrapera. Car inexorablement, le maitre du jeu conduit chaque personnage vers la résolution de son existence et son accomplissement. Notant chaque choix fait par le personnage ainsi que son ambition et son karma, le maitre du jeu dessine une route et ses multiples embranchements, menant à une ultime confrontation contre soi même, ses devoirs, obligations et désirs. Généralement, faire vivre une intrigue personnelle parallèlement à la campagne est suggéré dans les jeux de rôle afin d’impliquer encore plus le personnage dans la partie. Dans Tenga ce n’est pas une option. Le joueur devra se confronter à sa destinée. Son évolution sera non seulement technique (gain de compétences, évolution des caractéristiques…) mais aussi dramatique. Il gagnera des points de destinée alors qu’il avancera dans la campagne, marquant ainsi son évolution. Oui, celui-ci pourra connaitre une fin qui ne sera pas seulement sa mort ou la lassitude de son joueur. Si son existence est finie, est ce que cela signifie qu’il ne connait pas la liberté ? Bien au contraire.

Tout le sel du jeu vient du conflit existant entre sa destinée, alimentée grandement par les interactions sociales du joueur, et sa réelle liberté. Comme je l’ai expliqué plus tôt, les joueurs sont des rebelles, portant en eux une révolte qui les définit. Le système de résolution des conflits porte aussi en lui cette ambivalence. Ainsi en fonction de leurs compétences, leurs actions échoueront ou réussiront automatiquement. C’est la première règle de résolution des actions, sans surprise. Les autres règles de résolution ce substituent à la première quand le joueur refuse ce résultat prédéfini. Et ses réactions potentielles sont nombreuses. En premier lieu, le personnage peut se créer les conditions de sa réussite en améliorant ses chances de réussite par un bon équipement, une position favorable etc. Vous remarquerez que dans ce système de résolution à la Ambre, on ne parle toujours pas de lancer des dés. La volonté de l’auteur de privilégier la négociation est clairement affirmée. C’est seulement quand le résultat automatique ne convient pas et quand le personnage ne peut améliorer sa situation que les dés sont amenés à rouler. Par ailleurs il existe un très intéressant mode de résolution des conflits combinant négociation et aléa. Il s’agit de la possibilité de prendre un risque. Le joueur propose une réussite en échange d’un risque pris, aux conséquences pouvant se révéler mortelles pour le joueur en cas d’échec du jet. Outre le fait que cela permet de réussir une action qu’un jet simple ne pourrait réussir du fait de l’incompétence ou des conditions défavorables au personnage, ce jet rajoute une intéressante tension dramatique. Personnellement, je pense que tous les jets de dés en jeu de rôle devraient être des jets de risque : ils seraient moins nombreux et plus intéressants. Je compte bien abuser de ce mode de résolution dans mes parties futures de Tenga ! Par ailleurs, même quand le joueur s’en remet à un jet simple de compétence, il n’est pas dépourvu de moyens d’influencer le résultat. Outre les modificateurs d’usage en fonction des conditions du jet, le groupe peut intervenir pour aider le joueur par le biais de la confiance. Le personnage reçoit alors un soutien non négligeable dans sa tentative de réussite. Enfin le jet peut être modifié par les points de karma du joueur. Cette caractéristique, qu’il faut différencier du karma évoqué plus haut, est emblématique de cette liberté accordée au joueur concernant les actions de son personnage. Ces points sont utilisables à la discrétion du joueur et ont plusieurs avantages. Outre divers effets sur la résolution d’une action, ils permettent d’améliorer durablement le personnage, de lui apporter un privilège comme une possession lettre de créance ou un statut famille impériale. Les points de karma peuvent être récupérés après une session de jeu ou perdus définitivement en fonction de l’usage qui en est fait. Ils sont déterminés à la création du personnage en fonction de son âge. Une personne jeune a sa vie devant elle et est plus à même d’influencer sa destinée qu’un personnage âgé. Par ailleurs, même si les actions des joueurs seront influencées positivement ou négativement par les valeurs ( gloire, honneur, richesse, clan, maitre …) déterminées en début de jeu, celles-ci ne sont pas figées et évolueront au fil de la campagne au même titre que les compétences. Ainsi malgré la rigidité apparente des structures sociales et de la moralité de l’époque, le personnage garde une grande liberté sur ses actions. Comment pourrait-il en être autrement à une époque où tout est possible ?

L’auteur du jeu a cité la série télévisée Rome comme une source d’inspiration pour Tenga. Dans cette série, deux légionnaires de César sont confrontés à la chute de la république et à l’avènement de l’empire romain. Ils seront acteurs de ces changements à défaut d’être ceux qui décident de l’évolution de l’Histoire. D’ailleurs, il semblerait que cette dernière les ait oubliés. Tenga connait un cadre historique similaire. Le seigneur de guerre Oda Nobunaga a pratiquement réalisé l’unification du japon, le tenga, et célèbre sa victoire annoncée sur les dernières poches de résistance… quand les cartes du jeu sont soudainement redistribuées !

Tout comme un grand unificateur peut voir ses espoirs s’envoler en fumée, le commun du peuple à cette époque peut s’élever par sa force au rang de samouraï ; des nanbanjins convertissent des daimyos au christianisme ; les marchands, malgré leur statut social peu enviable, prêtent aux samouraïs ; les clans les plus puissants tombent ; les ennemis d’hier sont les alliés d’aujourd’hui… Les personnages de Tenga ne sont pas des super héros. Ils sont des membres communs de la société japonaise qui ont décidé de lutter contre leur destinée quand ils se sont rendus compte un jour qu’ils disposaient du moyen de le faire. Le jeu décrit la situation politique de l’époque, les principaux intervenants (que les joueurs rencontreront) ainsi que la vie quotidienne à la fin du 16ème siècle. Bien sur il n’était pas possible d’être exhaustif dans un format aussi limité. Cependant Tenga pose des bases suffisantes pour jouer immédiatement. Certains regretteront l’absence d’un index ou d’un chapitre consacré aux sources d’inspiration. Le fait est que rien n’est inutile dans Tenga. On sent bien que le système de jeu a été longuement travaillé afin de s’incorporer au substrat historique et utiliser celui-ci d’une certaine manière. On prend vite conscience aussi, que des coupes radicales ont été faites de façon à aller à l’essentiel. Ainsi l’ensemble est d’une très grande cohérence et distille harmonieusement, aussi bien dans les règles que dans la présentation de l’univers, une certaine ambiance, la promesse de batailles héroïques, de complots alambiqués, d’états d’âmes qui s’apaisent en versant le sang.

Au terme de cette critique, vous aurez compris que Tenga jongle avec des mécanismes qui ne sont pas des plus communs. Leur approche peut se révéler difficile pour les maitres du jeu inexpérimentés. Heureusement, des exemples permettent d’éclairer certains mécanismes et les commentaires de l’auteur permettent de comprendre certains choix effectués. Ces derniers brillent par leur intelligence et leur originalité. Ainsi la gestion du surnaturel est particulièrement brillante et donne vraiment envie d’utiliser ce qui n’est qu’une règle optionnelle : il n’y a pas de surnaturel, il y a des kamis agissant naturellement. Par ailleurs j’appréhendais  l’incontournable exposé sur l’honneur et j’y ai trouvé deux commentaires dédramatisant son approche et proposant une utilisation en jeu en se fondant sur les similarités de comportement existant entre la culture japonaise et européenne. Il fallait y penser et arriver à le formuler sur une demi-page ! Malgré cela, il est possible que certains points restent obscurs pour vous. Ce fut personnellement le cas en ce qui concerne le jet de risque que j’ai examiné plus haut. A la première lecture, j’ai regretté qu’il n’y ait qu’un seul exemple. Une deuxième lecture des paragraphes se référant à cette règle m’ont permis d’en saisir l’usage. J’espère qu’une aide de jeu future développera le chapitre sur la destinée. A mon avis, cette campagne dans la campagne aurait du bénéficier de plus de conseils quant à sa mise en œuvre et les différentes formes que pouvait prendre son évolution en six étapes. Le chapitre en lui-même est très clair, mais le potentiel de ce point de règle m’a paru sous exploité ; faute de place, probablement…

 

Critique écrite en janvier 2011.

Jorune  

Je peux parfois trouver Casus Belli un brin conciliant. Mais pour Tenga, je souscris totalement à la critique flatteuse que vous pourrez lire dans le numéro 4.

La forme, tout d'abord. Un livre de 190 pages en format A5 (pratique pour moi qui lit beaucoup dans le métro) avec rabats (re-pratique dans le métro pour marquer sa page). La couverture est belle et la présentation intérieure, en noir et blanc intégralement, donne une sobriété à l'ouvrage qui se marie bien, à mon sens, avec le thème du Japon médiéval.

Les illustrations intérieures sont réussies (bravo Ninie!) et tout à fait dans le ton.

Sur le fond maintenant : les règles et la création de personnages existent en deux versions, rapide, pour commencer à jouer en très peu de temps, et développée.

Pour les lecteurs assidus du blog Tartofrez de Brand, l'auteur du jeu, vous retrouverez ses réflexions avisées sur le jeu de rôle, mises en pratique concretement. Et ça marche!

Ainsi, avant de chacun créer son alter ego, les joueurs créent leur groupe. Concept, ambition, karma, ressources, tout est prévu.

La création de personnage est simple et on  retrouve les concepts d'ambition (ce que souhaite atteindre le personnage), de karma (ce que souhaite atteindre le joueur) et de Confiance entre les joueurs qui seront autant de guides pour le MJ dans la construction de sa campagne. Les caractéristiques et les compétences  complètent classiquement la naissance du nouveau personnage

Plus original, on peut tout jouer : samourai bien sûr mais aussi simple homme du peuple, une mère courage, un moine guerrier, un aventurier européen, riche ou pauvre, tout ! Et le système de karma permet d'avoir à la même table des personnages expérimentés, des petits débutants ainsi que des vieillards de façon à ce que chacun y trouve son compte (par l'utilisation judicieuse du karma) sans déséquilibrer la table.

Les règles reposent sur un comparatif Niveau de compétence/Difficulté pour déterminer, sans jet de dé, l'échec ou la réussite d'une action. Un personnage ne disposant pas d'un niveau de compétence suffisant a cependant la possibiltié de se surpasser par un test d'effort (cette fois via un jet de D20) qui, en contrepartie, entrainera de la fatigue.

Il existe aussi une mécanique élégante, le risque. Elle permet au joueur de décrire comment il s'y prend pour réaliser une action qu'il devrait normalement échouer puis de décrire ce qui se passera s'il échoue. Le MJ accorde alors des bonus qui dépendront de l'importance du risque. En cas d'échec, le risque prévu par le joueur se réalise et rien ne peut alors l'empécher. Ainsi, si le le joueur avait risqué la mort de son personage et qu'il échoue au test sur un D20, son personnage meurt sans que rien, même la dépense d'un point de karma,  ne puisse le sauver.

Le combat lui aussi peut se gérer de manière minimaliste avec les mêmes principes que ci-dessus et une haute importance accordée à l'initiative, ou bien, de manière plus étoffée, en offrant aux joueurs le désirant des manoeuvres et des choix tactiques poussés. Le système est vraiment à la carte : à la même table, il peut y avoir des joueurs utilisant le combat avancé tandis que d'autres se contenteront du système minimum.

Autre particularité, l'importance des blessures qui ne disparaissent pas facilement de la fiche de personnage. Aucune blessure n'est anodine !

Tenga se veut, là aussi, un jeu réaliste, du moins autant qu'un jeu de rôle puisse se le permettre. Un combat ne se décide pas à la légère car il peut être mortel. Et quand bien même, la moindre blessure peut handicaper le joueur pendant toute la session de jeu et même au-delà ! On est loin de la guérison quasi instantanée, à la "jeu vidéo", qu'on retrouve souvent.

Un mot sur la qualité de la documentation: l'histoire de la région et de cette période de guerre très agitée permet vraiment de mettre en scène vos histoires sur fond d'Histoire, comme une trame en arrière plan qui inspire les aventures tout en leur donnant un cachet unique. Indéniablement, le MJ peut se lancer dans sa propre campagne historique à la simple lecture du jeu, sans pour autant être un expert en histoire orientale ni passer par des heures de recherche.

La présentation des factions, des personnages historiques, de la vie quotidienne donne vraiment envie de se jeter dans ce monde sans pitié ! Le surnaturel peut éventuellement être présent mais de manière subtile, par le biais de signes ou de fantômes (yokais), laissant toujours planer le doute sur la réalité d'une intervention "magique".

Mention spéciale à l'honneur : à l'époque, le Bushido n'a pas encore été rédigé. L'honneur n'a pas la place, dans une société en guerre et en mutation, qu'il aura plus tard avec une paix installée. Néanmoins il existe et il est abordé là encore de manière simple, pédagogique, pour les européens du XXIeme siécle que nous sommes, sans prise de tête ou excès pour faire "culture locale".

Sur mon ressenti global, j'adhère vraiment à l'élégance (encore, je sais, mais c'est vraiment le terme qui me semble convenir le mieux pour ce jeu) de cette mécanique, à sa simplicité qui permet pourtant de doter joueurs et MJ d'outils pour bâtir et faire avancer ensemble le destin de chaque personnage et de l'ensemble du groupe au travers d'aventures qui correspondent facilement aux souhaits des joueurs, le tout sur une trame riche et passionante.

Tenga est accompagné de nombreux encarts de conseils et d'indications pour le MJ, qui là encore reprennent souvent les principes dévelopés par Brand sur son blog ou dans ses articles pour Casus Belli.

Que peut-on reprocher à ce jeu? Vraiment je ne sais pas. Qu'il y ait un seul scénario? Que l'écran et une campagne ne soient pas encore sortis? Pour ma part je craignais que le coté historique soit un peu austère, voire difficile d'accès pour un néophyte. Et bien pas du tout ! Le contexte est au contraire foisonnant d'idées de scénarii, et la documentation fournie largement suffisante pour mener vos aventures.

Ce jeu est tout simplement un must que vous devez avoir dans votre ludothéque. Je ne dirai qu'une chose: Tenga Fuku !

Critique écrite en février 2011.

Akae  

Fan de japoniaiseries, j’attendais Tenga depuis un bon moment.

Et je n’ai pas été déçu.

L’ouvrage est à la hauteur de mes attentes et j’ai pris un grand plaisir à le lire. La présentation du contexte est claire, abordable, riche tout en permettant de rapidement saisir l’important pour se lancer rapidement dans un one-shot autant qu’une campagne (merci le Tenga en 10 minutes !). Les archétypes sont autant de figures d’un Japon « défantasmé » tout en gardant la saveur d’une culture unique à une période donnée. Une période choisie avec justesse étant une des époques charnières de l’histoire pré-moderne de l’archipel.

Ensuite on passe aux règles. Habituellement c’est ce qui attire mon attention à la toute fin, mais des partis pris dont je connaissais les prémices m’ont poussé à les lire immédiatement. Et franchement elles recèlent une approche que l’on sent être celle de l’auteur en tout point. Elles sont simples, claires, l’accent est mis sur l’interprétation, et pousse les joueurs à créer  avant même de jouer en concertation avec le MJ une bonne part des aventures et des intrigues à venir et de prendre part dans la création de celles-ci dès le début. La création du groupe est aussi un élément essentiel et constitue une importance majeure indissociable de la  partie Création entre joueur et MJ. Une construction de ce groupe, de ses motivations, enjeux, qui permet de créer un ensemble crédible et qui réuni les personnages autour de buts communs et permet conjointement à la création des personnages de fonder une campagne centrée autour des joueurs avec une facilité déconcertante. En gros une fois le groupe et les personnages créés on peut se passer clairement des autres scénarios car on a tout pour lancer une chronique !

Le système en lui-même est très simple. Il encourage le roleplay et la participation des joueurs, il est facilement pris en main et à mon sens va dans le sens de ce que l’on est éventuellement amené à interpréter.

Pour en revenir au background. L’auteur connaît très bien son sujet et même si il se peut qu'il y ait des petites erreurs, je n’ai rien relevé du tout. Un travail très sérieux. Il s’agit surtout de choix personnels. La société nippone est très bien présentée, la lecture est fluide, agréable. Elle présente le contexte en détail, tout en essayant de ne pas noyer le lecteur. Il est certain que pour un néophyte de la culture japonaise, la lecture devra se faire plus tranquillement et je conseil la prise de quelques notes, mais c’est inévitable et l’auteur fait tout pour faciliter compréhension et assimilation. Quoiqu’il en soit il donne toute la matière pour se lancer sans avoir nécessairement besoin de plus de documentation dans les aventures du Tenga. Alors il est clair que les puristes souhaiteront compléter ce travail par des lectures annexes, mais ce n’est en rien une nécessité, on a tout ce qu’il faut pour jouer !

Pour finir le petit scénario d’introduction est super et lance les joueurs en plein dans les intrigues de cette époque. Si j’avais une petite critique c’est juste sur la nécessité d’être membre d’une congrégation en particulier lors de l’intro qui est dommage, surtout lorsque la création de groupe si libre risque fortement de faire en sorte que les joueurs créent tout autre chose. Mais honnêtement rien de bien méchant, l’obstacle pouvant très simplement être contourné par un tas de manières. Le scénario est un excellent exemple de la manière de lier les joueurs aux grands moments de cette époque. Il est ambitieux et sa fin place le Mj et les joueurs devant une multitudes de chemins !

Pour la forme : l’ensemble est consistant, sobre, peut-être un peu trop à mon goût, mais ce n’est là qu’une question de goût. Je trouve que l’ensemble manque de peps. Ca n’enlève rien aux illustrations très dans le ton. Je pense que c’est tout dans l’esprit du jeu : une dimension profondément humaine, poétique, sobre. Mais je ne me refais pas, ça manque pour moi d’une certaine envergure et parfois du côté plus dur et réaliste que le texte peut mettre en avant. Toutefois graphiquement le travail est propre, c’est un très beau travail. Ma critique sur ce point relevant du détail et du ressentit tout personnel.

Quoiqu’il en soit on a avec ce jeu de quoi se lancer dans une campagne merveilleuse.

Au final ce jeu est une franche réussite. Je le conseil à tous, fans de Japon, vous y trouverez tout ce qu’il faut pour satisfaire votre envie. Pour ceux que le Japon intimide, rebute, ou n’intéresse tout simplement pas, je le conseil pour la méthode mis en place par l’auteur pour présenter son jeu et son univers. Il y a un tas de concepts des plus intéressants : création de groupe, système, structure narrative,  bref c’est un outil merveilleux pour tout roliste, tout MJ. Certaines parties sont à prendre telles-quelles pour réutiliser dans n’importe quel jeu, univers.

Bref, bravo.

Critique écrite en février 2011.

Stephane H  

C'est un plaisir de lire un jeu qui a été pensé entièrement.

Ces derniers temps, j'ai lu pas mal de choses qui m'ont plus ou moins intéressé, mais je suis toujours resté sur ma faim. Ce n'est plus le cas pour Tenga.

Commençons par le négatif :
- seulement 190 pages. J'aurais aimé encore plus d'historique, encore plus de détails de la vie quotidienne, plus de descriptions de l'état d'esprit des gens. Même si les archétypes sont une bonne idée, il y en a trop. Ou trop d'un coup, il aurait peut-être été judicieux de les placer à la fin de certains chapitres pour illustrer certains thèmes. Mais, c'est 190 pages pour 29€ : vous en connaissez beaucoup de jeux qui font plus de pages pour si peu cher ?
- Je n'aime pas le d20. Ben ouaih, j'ai dû être traumatisé lors d'une partie de ADD...

Poursuivons par le positif :
- Je l'ai déjà dit : 29€ pour un ouvrage de cette qualité, c'est presque cadeau. Les illustrations sont superbes, la mise en page élégante, la police a juste ce petit détail amusant qui suffit. Même le choix du papier est plaisant !

- le système est suffisamment novateur sans être prise de tête : le personnage sait ou ne sait pas faire une action en fonction de ses compétences et de la difficulté de l'action. S'il ne sait pas faire, il peut "s'engager" et tenter de faire malgré tout cette action mais en prenant plus ou moins de risques. Le test se fait ensuite d'une manière très simple avec le d20 confronté à une caractéristique. L'intérêt du système est d'amener un aspect narratif : le joueur qui choisit de prendre un risque décrira les effets de l'échec. Plus l'échec est grand, plus le bonus au jet est important : c'est ludique, et ça peut amener des situations vraiment sympas.

Les règles n'oublient pas les éléments significatifs des jeux orientaux. On retrouve donc des concepts comme le ki, le karma, le destin qui concourent à typer le jeu et qui permettent de donner une réelle personnalité au jeu : on ne joue pas à un Nième jdr qui a récupéré des règles génériques.

- le système est, amha, un bon compromis entre narrativisme, ludisme et simulationnisme. Le combat est loin d'être oublié et un ensemble d'options permet de bien retranscrire les films de sabre du genre choisi (c'est pas Tigre et Dragon, c'est plutôt les Sept Samourais). J'ai un petit doute sur le système de blessures, mais bon, sans avoir testé, c'est un peu dur de se prononcer. Disons que je classerais le jeu en  gritty (mortel ?), vous ne referez pas 300 avec ce système.

- la création d'un groupe : la traduction du contrat social / pacte fictionnel /suspension d'incrédulité en terme de jeu. Très, très bonne idée. J'aime beaucoup cette idée. Rien que pour ceci le jeu mérite le détour. Je dois avouer que je trouve ça vraiment subtil, mais que j'ai beaucoup d'interrogations : ne dévoilent-ont pas trop de choses dès le départ, le cadre n'est-il pas trop restrictif, comment cela se passe-t-il pour intégrer des nouveaux joueurs, comment utiliser les scénarios du commerce en fonction du groupe ? etc...
Le système proposé est clair. Certains détails m'ont rappelé des situations liées au covenant dans Ars magica par exemple, mais qui se vivaient après la création des personnages lors des premières parties.

- background : très agréable à lire, mais qui a vraiment un goût de trop peu. Pour un mec qui a lu Bushido, Land of Ninja, L5R, Sengoku, et autres... j'en aurais automatiquement voulu plus. Ce qu'il y a suffit largement pour jouer, c'est même beaucoup mieux que Bushido, Land of Ninja ou L5R (d'ailleurs L5R est-il comparable ?). Mais l'auteur a l'air de s'être tellement informé sur le sujet que je suis sûr qu'il aurait pu écrire 50 pages de plus. Et vu comment il écrit, je ne me serais pas plaint.
J'irai même jusqu'à me poser la question s'il n'aurait pas du oublier le japon pour partir vers la Corée (période choson) ou le Vietnam (mais peut-être trop proche de la chine et donc du jdr Qin).
Je dois avouer qu'au départ, je ne pensais pas acheter Tenga en me disant "pfff, un nième jeu sur le japon...". Alors qu'un jeu sur la période Choson, je fonçais tête baissée.

Conclusion : ça fait un bout de temps que le vieux rôliste que je suis, n'avait pas lu un jdr aussi enthousiasmant. J'espère que Tenga aura le succès qu'il mérite. Les rares défauts sont largement compensés par la qualité globale de l'ouvrage.

Critique écrite en février 2011.

Muad'Dib  

Alors Tenga... Que dire de ce jeu. Globalement, que du bien. Je ne suis sans doute pas celui qui profitera réellement de toutes les idées de ce livre et donc pas le critique le plus apte en la matière mais sur la base de la lecture, je peux dire que je suis emballé. Emballé parce que c'est sans aucun doute l'un des jdr les plus agréable à lire avec un foisonnement de petites choses qui font que c'est du lourd.

Les points marquant pour moi sont :

- La création du groupe. Mine de rien, c'est un vrai plus de considérer que les personnages du groupe de joueurs sont bien une sorte de micro-communauté avec ses caractéristiques plutôt qu'un simple addition d'individualité. L'idée s'intègre harmonieusement dans le système, bref, c'est nickel. En le lisant, je me suis dit que c'était bizarre que finalement, cette étape de création du groupe de joueurs ne soit pas la norme dans les livres de règles de jdr.

- Le Diceless. Alors, j'avoue que j'ai relu plusieurs fois les règles données aux joueurs parce que ça me perturbait. Pas que ce n'est pas clair dans la rédaction mais parce que cela m'a semblé tellement bizarre de proposer un système ou le hasard est si peu présent (si tu es expert dans telle compétence, tu réussis toujours les actions de difficulté X) que je me disais que je passais à côté de l'info clé du système (prenez une brouette de dés équivalent à votre compétence, jetez là et comptez les réussites). Grosso modo, je trouve que cela enlève partiellement le plaisir du jet de dés mais que cela rend bien mieux la différence entre un personnage qui ne maîtrise pas une compétence d'un expert. Bref, là où je pense qu'un côté ludique se perd, il y a un vrai gain au niveau du réalisme, de la fluidité et de la différenciation entre les personnages. Enfin, cette approche du diceless est tellement évidente par rapport à ce que le système de jeu cherche à générer à la table que je ne peux que m'incliner devant la pertinence de ce choix.

- La note d'intention ou je ne sais pas quoi. Dès la ou les premières pages, j'ai pas le livre sous la main, j'ai su ce que l'on me proposait de jouer, dans quel sens le système allait tirer la table et finalement pourquoi ce serait sympa de jouer comme cela. Bref, là où j'ai déjà fermé des livres de jdr sans vraiment savoir par quel bout le prendre, ici, c'est clair dès les premières lignes. Là, pour moi, c'est un vrai modèle en la matière.

- Visuellement, le livre en jette. J'aime bien le format JD parce qu'il se tient facilement en main dans tous les endroits possibles et imaginables. Mais les illustrations donnent très bien le ton aussi. Bref, du bon aussi. Sobre mais beau.

- Karma, motivation, destin... Pas grand chose à dire, un truc que je vais piller sans vergogne, tout simplement.

- Le système en tant que tel. Je l'ai dit plus haut, on sent que le système est là pour rendre au mieux une manière de jouer et de faire passer le jeu. Je trouve que c'est un parfait exemple de cohérence global dans un jeu. Un système qui soutien le jeu dans tous les sens. Maintenant, j'avoue que je ne trouve pas l'utilisation du d20 très attrayante en soi mais bon, là, c'est une question de goût. Il n'empêche que le système semble bien ciselé pour ce qu'il doit faire.

Les seuls bémols que j'ai, finalement, c'est que Tenga utilise pleins de noms japonais et que moi, j'ai beau essayer, j'arrive pas à les différencier. Du coup, la partie Background, faut que je m'accroche. Mais bon, là, je me vois mal dire que Tenga aurait été meilleur avec des prénoms comme François, Pierre, José et Félix. Ensuite, il y a quelques points de règles qui restent obscures pour moi mais il s'agit de points mineurs qui devraient rapidement trouver réponses.

Bref, pour conclure cette critique, je dirais que Tenga a l'immense qualité d'être un livre clair, qui annonce rapidement dans quel sens le jeu va aller et qui tient ses promesses en la matière.

Critique écrite en février 2011.

Alahel  

Ca n'était pas gagné, mais Tenga m'a littéralement conquis ! Alors qu'à la base ma connaissance des civilisations asiatiques est abyssalement faible, et que je n'ai jamais beaucoup aimé ce genre d'univers en jdr, Tenga m'a radicalement fait revoir ma position.

Sur la forme, le livre est très joli, très épuré, au format John Doe qui est définitivement très pratique. L'écriture est dense, mais ça se lit de manière fluide, aussi bien sur la partie civilisation que sur la partie système. Pour un non asiatophile convaincu, même si les termes japonais sont bien évidemment nombreux, on s'en sort sans mal de tête et j'ai enfin compris les enjeux et la réalité de la période.

Sur le fond, le système est simple, impliquant, et tourne autour de deux principes que l'on retrouve en filigrane tout au long de la lecture. Tout d'abord, les personnages doivent se retrouver face à des choix difficiles et en assument forcément tôt ou tard les conséquences. Ensuite, le personnage principal de l'histoire est le groupe, qui sera créé en commun, selon les attentes et les aspirations des joueurs. Ce groupe, qui est donc au cœur du jeu sera le point de départ qui guidera le meneur de jeu pour mettre en place sa campagne. Les possibilités offertes  par ce principe sont énormes... Conflits internes, externes, tiraillement de fidélité, secrets à cacher à tout prix...

Tenga propose une ambiance de Tragédie, au sens classique du terme que je n'ai jamais ressentie à ce point dans un autre jeu, et qui a mon avis fait vraiment tout son sel. Le problème ici n'est pas de savoir si son personnage va survivre, encore moins de savoir s'il va devenir plus puissant ou posséder un nouvel objet magique, mais plus de s'assurer qu'il accomplira bien son destin, malgré les innombrables embuches qui jalonneront son chemin.

NB: Pour être tout à fait transparent, j'ai eu la chance d'être playtesteur/relecteur, ce qui m'a permis de réaliser l'ampleur de l'engagement et du travail de Jérôme sur son bébé.

 

Critique écrite en février 2011.

JoKeR  

Et oui, encore un 5... Mais ce jeu les mérite tous !

Tenga est sans aucun doute une réussite dont Jérôme Larré peut être fier. Il est tout entier dédié à la création d'une aventure rôlistique de qualité. Tout y converge, rien n'y est gratuit et peu y est laissé au hasard. Les règles sont là pour donner corps à notre imagination, le cadre pour la vêtir. Ici le jeu de rôle est avant tout l'art de raconter et de faire vivre ensemble une histoire qui nous touche. Ce n'est évidemment pas une découverte et nous sommes nombreux à ne pas avoir attendu Tenga pour le concevoir comme ça. Mais je l'ai rarement, sinon jamais vu pensé, travaillé et exposé avec autant de brio, mais aussi de clarté et de synthèse.

Je ne vais pas revenir en détail sur la forme (sobre, belle et fonctionelle), le style (une lecture agréable) ou encore le contenu du bouquin point par point. Mes prédécesseur l'ont déjà fort bien fait.

Je reviendrait sur deux points :

1 / Le contexte historique.

Actuellement je fais des études d'histoire, et je suis un peu tatillon sur la question. La grande réussite de l'auteur en ce domaine est d'avoir conscience de la complexité du sujet, du dynamisme de toute époque historique, bien loin des clichés. Réduire son propos à un intervalle de temps bien spécifique et court à l'échelle historique, mais largement suffisant pour une campagne de jeu de rôle, est une excellente idée. Elle permet de limiter de nombreux écueils. Ensuite il met bien en garde : il a du faire des choix, trancher entre des sources contradictoires. Il suggère aussi régulièrement aux lecteurs de faire leurs propres recherches complémentaires. Enfin il insiste sur la variété des situations : il décrit des éléments parfois contradictoires, des situations qui ne sont pas les mêmes d'un bout à l'autre de l'archipel et des codes qui ne sont pas plus absolus alors qu'aujourd'hui. Ce n'est pas parce qu'un groupe prétend suivre telle morale qu'il la suit effectivement. Cela reviendrait à dire que les gens font ce qu'ils disent qu'ils font quand ils cherchent à être biens vus...

L'idée est qu'il ne s'agit pas de reconstituer oralement et authentiquement le japon entre 1582 et 1600. C'est le long et parfois fastidieux travail des historiens. Il s'agit de fournir un cadre intéressant et inspirant pour y raconter des histoires passionnantes, selon des thèmes plus universels et à même de nous toucher. De nombreux encadrés viennent donner de judicieux conseil pour intégrer cette ambiance si éloignée de notre quotidien sans que cela parasite les parties. C'est un habillage pour la campagne, et de très bonne facture ! On sent le passionné averti qui s'est retenu, à chercher à nous transmettre l'essentiel de ce décor en le débarrassant des détails tout en nous fournissant assez de pistes pour les créer.

2/ Le coeur du sujet : une certaine pratique du jeu de rôle.

C'est bien la première fois que ce que je préfère d'un jeu de rôle est la partie règle. Et pourtant, même si la partie contexte est excellente, il ne s'agit pour moi "que" d'un prétexte pour appliquer une certaine manière de faire du jeu de rôle.

Le principe de base est simple : toute la mécanique, depuis la création de personnage jusqu'au moindre jet, est faite pour favoriser la narration de l'histoire des personnages et entretenir le rythme des parties.

Premièrement la création de la campagne et du groupe ne font qu'un. On choisit ensemble ce qu'on veut jouer, dans quelle ambiance, on crée les bases de l'histoires, des relations entre les personnages, etc. Du coup on s'évite bien des soucis d'attentes de jeu différentes ou d'inadéquation des persos à la campagne, que ce soit au niveau des caracs ou des backgrounds.

Ensuite les perso eux-même sont créés en fonction de cette première étape et en prenant en compte ce qu'eux même veulent faire et ce que joueurs et maîtres veulent qu'il leur arrive. Le roleplay en est renforcé et surtout les objectifs des persos s'éloignent d'une simple accumulation de puissance et de richesse.

Enfin il y a une règle de base d'une simplicité qui n'a d'égale que son élégance et son brio : chaque jet doit compter. Autrement dit : jeter des dés doit servir la dynamique de la partie, contribuer à sa tension. D'où la forme "diceless avec un d20", savant mélange entre narration et règles. celles ci sont assez complexes pour couvrir toute les situations (bon, on doit pouvoir trouver des exceptions par ci par là, comme toujours) tout en s'effaçant grâce à certains automatisme derrière le déroulement de l'aventure.

Je finirai en saluant la partie "MJ", pleine de très bons conseil pour la maîtrise avec toujours ce même objectif que tout serve au plaisir de tous autour de l'histoire des PJs. Il y a en particulier une partie de quatre page "Tisser la toile du destin" qui sont juste géniales. Un petit manuel de comment développer et intégrer les toiles personnelles des PJs à la campagne pour que chacun ait l'impression de jouer autant son aventure que celle du groupe. Un pur bijou.

Critique écrite en février 2011.

graou  

Tenka fubu, gekokujo et autres enri edo, gongu jodo !! Bref, vous l’aurez compris, je ne me sens plus de plaisir à l’idée de me plonger dans le Japon des guerres civiles grâce à Tenga !! Mais, comme qui aime bien châtie bien, je ne vais qu’en dire du mal ! Néanmoins, pas d’erreur, je commence par le clamer haut et fort, j’ai adoré ; ce d’autant plus que je suis certainement à classer parmi les fanatiques de jeux nipponocentristes ! Donc 5/5, c’est superbe, n’en parlons plus et armons-nous de mauvaise foi pour mordre à présent les mollets de Brand senseï.

Tout d’abord, le système. Je n’aime rien de ce qui approche de près ou de loin le diceless. Je suis viscéralement opposé à la philosophie qui veut que « les dés ne servent qu’à faire du bruit derrière le paravent », fut-il laqué, et le diceless m’apparaît comme l’ultime avatar de cette position. Je déteste les maîtres de jeu qui « racontent une histoire » car trop souvent cela revient à dire qu’ils considèrent que les joueurs sont là pour permettre à leur scénario d’être joué et qu’ils vont les balader jusqu’à la conclusion censément grandiose dudit scénario, en les privant de leur droit sacré à l’échec. J’aime le sentiment de responsabilité et le hasard car ils sont à mon sens intimement liés. Tout particulièrement, le hasard permet au meneur (ce que je suis à 95%) de jouir pleinement de l’un des plus grands plaisirs du jeu de rôle (à mon sens) : l’obligation de réactivité et son corollaire, l’inventivité constante. Donc, je ne change jamais le résultat des dés, je m’adapte à leurs diktats et tant pis si mon beau scénario part dans le mur. Voilà, c’est épidermique, le diceless me prive du ressort principal de mon plaisir, tant comme joueur que comme meneur. Par ailleurs, puisque l’une des ambitions de Tenga est d’offrir un système collant à « l’esprit du jeu » proposé, je crois que le diceless ne s’y prête pas. J’adhère entièrement à la chose et la formule de l’auteur selon laquelle un scénario japonais devrait être du « noir épique » est sans conteste l’une des choses les plus profondes que j’ai lues dans le domaine du jeu de rôle. Mais, l’élimination du hasard me semble aller à l’encontre de l’objectif avoué de mettre en scène, au sein d’une période avant tout définie par le chaos ambiant, la révolte d'individus contre les déterminismes qui les étouffaient.

L’apparition d’un beau d20 a un peu calmé ma crise d’urticaire, mais malgré cette épiphanie, je bute sur quelques points qui me semblent discutables, si j’ai bien compris ce que j’ai lu. Lors de la création des personnages, le coût d’achat des compétences est déterminé exclusivement par le niveau auquel on aspire, sans tenir compte du niveau de base. Ainsi, cela vous coûtera la même chose d’augmenter Discipline (Notions à Accompli) d’un cran ou Médecine de 3 crans (Rien à Accompli). Un autre point qui me laisse rêveur est lié au système des Valeurs. En soi, je ne peux qu’applaudir l’importance des Valeurs, demeurant très marqué par Pendragon qui reste pour moi l’archétype du jeu de rôle au sens où l’on y joue vraiment un rôle puisque l’on y interprète souvent des réactions de son personnage dont on n’a pas été entièrement libre de déterminer la nature. En revanche, je suis gêné par l’impact des Valeurs sur la santé. Si je saisis bien, le coût du jet d’effort est très largement déterminé par les Valeurs. Par exemple, si un samouraï fait quelque chose contre son seigneur en ayant Loyauté 4, il cochera 4 points de fatigue. Ce qui, de fait, revient au même qu’un coup de lance donné par un expert à un soldat (Expert contre Accompli : réussite Bonne, 1 cran de blessure, plus 3 points de fatigue pour la lance, soit 4). Certes, la blessure a eu également comme conséquence une diminution globale des Compétences (1 cran), mais quand même, à ce prix-là, on comprend que le Confucianisme ait fait de rapides progrès au Japon !

En parlant des crans de difficulté, j’en profite pour aborder le problème de la chasse au lapin. Que Usagi Yojimbo se rassure, ses jours ne sont pas en danger !! À moins que le charmant animal ne vous fasse la grâce de traverser un grand espace vide pour vous laisser la chance de bien viser, il vous faudra être Expert en Tir à l’arc pour espérer le toucher à moyenne distance (diff. Moyenne, +2 crans pour la taille ; +1 cran pour le déplacement = diff. Presqu’impossible ; même avec un bon jet d’effort rapportant +2 crans de Compétence, on obtient une réussite Correcte en étant au moins Expert). Dans une situation de base, un chasseur Accompli se blessera lui-même systématiquement en tirant sur le redoutable rongeur (Accompli contre Presqu’impossible = Catastrophe) !!

Une autre belle idée, le jet de risque, me semble également avoir ses limites. L’auteur précise que l’on ne peut l’utiliser en combat qui est déjà en soi une prise de risque. Mais il en va de même d’un test d’Étiquette dont l’échec amènerait à une condamnation au seppuku ; ou d’une situation où l’on escalade une falaise. À mon sens, le jet de risque devrait être interdit chaque fois que la conséquence proposée par le joueur serait de toute façon l’issue naturelle d’un échec et le gain potentiel établi en fonction de la différence d’impact sur le personnage entre l’échec normal et l’échec « proposé » par le joueur. Ça n’a l’air de rien mais cela limite singulièrement l’application de cette règle.

Je ne m’étends pas davantage sur le système, je signale juste que la puissance de la Compétence Ninjutsu me semble effarante et que j’aimerais savoir si les paramètres X des manoeuvres avancées de combat peuvent varier au choix du joueur au sein d’une même manoeuvre : ainsi, avec Coup défensif, si je suis Maître, puis-je donner à X une valeur de 1 pour moi et de 3 pour l’adversaire ? Si c’est le cas, cela me semble monstrueux, si ce n’est pas le cas, je n’arrive pas voir l’intérêt de la manoeuvre puisque dans une comparaison terme à terme, si les deux termes bougent de même manière le résultat de change pas. Je conclus sur le système car je n’ai pas d’objections dirimantes : il est beaucoup plus riche qu’il n’apparaît au premier abord, mais il sera également assez complexe à bien prendre en mains pour nombre de joueurs. Qu’à cela ne tienne, je ne crois pas que Tenga servira jamais de jeu d’initiation. Notamment en raison de son thème.

Transition « subtile » pour en venir au background. De nouveau, mes hommages à Hiéronymus pour son travail. C’est à la fois remarquablement dense du point de vue du contenu et très fluide dans l’exposé. J’ai un peu tiqué en apprenant que, dans un repas japonais, on mange fréquemment des baleines, au pluriel, mais c’est plus pour rigoler que je le mentionne. Bon, sérieusement, le contexte. C'est ici que je formulerai ma critique la plus véhémente. Je ne suis pas convaincu par le choix du cadre chronologique. L’intérêt du Sengokujidai comme cadre de jeu est, comme le souligne l’auteur lui-même, le caractère extrêmement ouvert de la société de l’époque, les rebondissements multiples, le foisonnement et l’imbrication des conflits. Or, choisir 1582 comme point de départ, c’est se situer au seuil de la normalisation. À moins de se lancer dans l’uchronie la plus débridée (je n’ai rien contre mais c’est un énorme travail), le maître de jeu est face à une société en phase de fermeture. Dès le lendemain de Komaki-Nagakute, vers la fin 1584, la parenthèses des troubles liés à la mort de Nobunaga se referme et, vous avez ensuite l’occasion de jouer Rise and fall du clan Toyotomi, avec éradication de contestataires de fait impuissants, mise au pas de la société au sein d’un système de caste et de contrôle des affiliations spirituelles ; enfin, cadastrage minutieux de l’espace à relativement brève échéance. Je n’ai rien contre jouer dans un contexte d’oppression grandissante, mais l’éventail d’opportunités ludiques me semble nettement moindre que lors de la décennie précédente, même si la « chasse aux sabres » voulue par Hideyoshi pour désarmer les paysans offre certainement un beau potentiel. Déplacer le point de départ de la campagne en 1568 offrirait l’opportunité de voir se constituer l’hégémonie Oda dans le contexte d’un foutoir socio-politique généralisé. En 1582, on est déjà privé des guerres contre les ligues bouddhistes Ikko-Ikki (en passant, je pense qu’il y a confusion dans le livre entre Jodôshû et Jodôshinshû sur certains points) et du siège interminable du temple forteresse du Ishiyama Honganji ; plus non plus de « communes » régionales unissant paysans et ji-zamourai dans des structures plus égalitaires contre l’oppression des grands féodaux (type Iga Sôkoku Ikki) ; plus de Montagne Sainte du bouddhisme ésotérique grouillante de prélats aristocratiques et de moines-guerriers arrogants ; plus de pathétiques manoeuvres des derniers shôgun Ashikaga et d’invasions à répétition de Kyoto faisant de la ville une Warsaw nippone ; des fanatiques du Sutra du Lotus déjà muselés ; même sans parler d’Asai Nagamasa et d’Asakura Yoshikage, on se prive de Takeda Shingen et de Uesugi Kenshin, sans doute deux des plus grandes figures de l’époque.

En bref, Nobunaga lave plus blanc et en 1582 le programme en est déjà à l’essorage, même s’il se grippe ponctuellement. On en revient à des luttes entre quelques très grands seigneurs. L’échelle a également changé : plus tôt dans le siècle, il est possible de jouer sereinement un petit clan luttant fièrement pour la suprématie locale aux portes même de la capitale. En 1582 (à moins de planquer la campagne dans les périphéries lointaines, mais en se privant ipso facto de toute la sophistication culturelle des régions centrales), un tel clan doit troquer Art de la guerre pour Étiquette s’il veut espérer survivre au juggernaut Oda, Hôjô ou Môri.

Bref, mon choix propre serait de jouer essentiellement la période 1568-1582 dont la densité m’apparaît sans égale : aucun des grands acteurs décrits dans Tenga ne ferait défaut et tant d’autres tout aussi intéressants réapparaîtraient. Mais précisément la force de Tenga est sans doute qu’il m’offre tout ce qu’il faut pour m’offrir ce luxe avec un minimum d’effort, tant le matériel fourni est déjà riche. On s’en sera rendu compte mes objections résultent d’une sensibilité ludique différente, elles ne concernent nullement le fond de l’oeuvre accomplie, à quelques détails techniques près. Donc, je conclus comme j’ai commencé en disant toute mon admiration de rôliste et de passionné d’histoire japonaise pour Tenga. Namu Brand Butsu !

Critique écrite en février 2011.

magnamagister  

La lecture de ce jeu (des plus agréables) a suscité en moi deux réflexions : pourquoi n'y a-t-il pas plus souvent de jeux français de cette qualité qui paraissent, et pourquoi (concernant le système de jeu) n'y a-t-on pas pensé plus tôt ?

Car Tenga est à juste titre une double réussite. D'abord présenter un cadre aussi riche et complexe que le Japon de la fin du XVème siècle, sans être imbuvable et sans trahir son sujet est un exploit en soi. Le background, bien documenté et synthétisé, est clef en main, et se situe bien au-delà de la tyrannie de l'histoire, ce qui permet d'y placer ses aventures en mettant l'accent sur le roleplay et la narration. Ensuite un système d'une grande qualité le soutient. La création de personnage est simple et met l'accent sur les motivations personnelles (le karma, l'ambition,  la révolte, et la destinée, un système d'accomplissement personnel diablement intéressant). Le système de création de groupe est un must du genre. Il permet de définir la raison d'être de la troupe (ce qui a amenés les personnages à agir ensemble et pourquoi, les ressources qu'ils partagent ou mettent en commun, leurs ennemis...) et sa place au sein de la campagne, que le maître du jeu pourra facilement orienter en fonction de ce que les joueurs lui ont laissé comme piste lors de la séance de création, qui devient partie intégrante du jeu, une sorte de prologue. Le coeur du système de résolution est d'une simplicité et d'une efficacité déconcertante. Les jets de dés ne vont pas être légion puisque la mécanique favorise la simple comparaison de la compétence à la difficulté, qui si elle se révèle plus élevée que ce que les capacités du personnage permettent, offre la possibilité d'un "effort" (un jet de dé sous caractéristique qui permet, contre un point de Ki ou de fatigue de se surpasser), ou dans le cas d'une action particulière une "prise de risque", pour voir son objectif rempli (jet réussi), ou une triste complication ou déconvenue survenir (jet raté, et selon ce que le joueur a défini avec le MJ). Des règles plus détaillées, prenant ce système pour base, existent pour les combats dynamiques (plus que narratifs), et un système est également proposé pour gérer le surnaturel dans le jeu (intervention des Kamis, prières, Yokaïs ...), mais tout ceci reste optionnel.

C'est donc au final avec un cadre solide et abordable, un système privilégiant la narration et la dimension coopérative que vous êtes armés pour mener votre campagne, dans un Japon en proie à la guerre civile, où tout est possible. Nous sommes en effet tout juste avant la période classique (dite Edo) où la société se cristalise socialement pour devenir immuable (castes, bushido). Il ne tient qu'à vous de devenir un héros du Tenga ! Notre campagne a d'ailleurs déjà débuté !

Un peit chef d'oeuvre donc, qui ne vaut pas moins que la note maximale.

Critique écrite en février 2011.

kyin  

Il est assez plaisant de voir qu'un jeu suscite un tel émoi chez de nombreux rolistes, et ça l'est encore plus quand on en fait partie ! Mais pour changer un peu, et parce que des critiques d'un kilomètre peuvent faire peur, je vais faire quelque chose de court ^^

- Je n'aimais pas les "diceless" MAIS j'ai été littéralement emballé par le système de Tenga. Ca tourne tout seul, c'est magique, tout en apportant assez de détails pour que ça soit croustillant et emballe même des fans de jets de dés !

- Je n'aimais pas les univers nippons, préférant de loin la Chine, MAIS après un petit effort de lecture j'ai été complètement happé par le Tenga, cette époque, ces figures emblématiques...

Tenga est un bijou, véritablement, écrit avec le coeur, développé à travers les conventions... et bien plus qu'un jeu, c'est même une véritable leçon de jdr, bourré d'idées, de concepts qui modifieront considérablement l'approche d'un jeu, quelqu'il soit, chez un MJ.

C'est tout ? Oui, et si mon avis vous a mis l'eau à la bouche, n'hésitez pas maintenant à lire les critiques un peu plus longues pour en savoir plus ;-)

Critique écrite en février 2011.

Tenebrax  

Tout d'abord j'aimerais préciser que j'ai acheté ce jeu par curiosité et pour éviter de payer des frais de port sur un achat groupé. Je suis familier du thème japonais, joue depuis de nombreuses années à L5R qui s'y rapporte vaguement, et n'ai que peu d'expérience avec les jeux de rôles historiques.

La mise en page et le format m'ont séduit. J'ai déjà plusieurs ouvrages avec ce type de format et j'avoue maintenant les préférer au format traditionnel. L'auteur est obligé d'être concis et efficace puisque la place est plus limitée que dans un pavé de 600 pages écrit petit. De plus, ça prend moins de temps à lire et c'est appréciable lorsqu'on arrive à ce stade où c'est le temps qui nous manque.

Pour le fond, le livre est clair et bien écrit. Le système de règle est léger et fluide (du moins c'est l'impression qu'il donne car nous ne l'avons pas testé). Je pense qu'il ravira beaucoup de groupes car il me semble se situer dans la mouvance roliste actuelle qui préfère des règles servant le jeu et non l'inverse.

Le jeu ravira les fans de jeu dans un contexte historique. Il ne conviendra cependant pas forcément à tous les groupes car il s'éloigne grandement des jeux "à expérience". Ici c'est l'histoire et les personnages qui sont au centre de tout et le contrat à la table doit être clair pour tous, il s'agit d'un jeu "collaboratif" dans le sens où tout le monde doit contribuer avec ses idées pour enrichir les parties. J'imagine qu'il s'adresse également à une table avec un MJ relativement expérimenté qui pourra donner de la profondeur aux parties et bâtir une campagne autour des contributions des joueurs. Sans compter que le système (presque) sans dé ne conviendra pas à toutes les tables.

Critique écrite en février 2011.

Sevoth  

J’attendais comme beaucoup de gens qui fréquentent les forums de rôlistes en France, Tenga comme substitut à un L5R que je ne peux plus blairer pour des raisons propres à la storyline de la gamme, et pour des raisons personnelles.
Alors, ce me semble, il a été dit ici et là qu’il ne fallait pas faire la comparaison entre les deux. Je crois pour ma part que c’est inévitable pour toute personne passionnée par le JdR depuis le début des années 2000 (et même un peu avant, si ma mémoire est bonne).
C’est en faisant ce comparatif que je me suis dit ceci : « Il y a 10 ans, j’aurais détesté Tenga ». Je reviendrai sur ce point.
Pour moi le jeu a clairement le vernis de l’aboutissement, et je salue bien bas le père Brand pour ses recherches, son esprit de synthèse et la manière didactique dont il permet de s’approprier l’univers.
Enfin un jeu qui aborde le japon tel que je me le figure à un niveau cinématographique. La période choisie est juste excellente et, contrairement à mon ressenti sur Deadline, le format John Doe sans être idéal, n’est pas inadapté, loin de là.
Alors sur le fond, je dois avouer que j’ai une relation presque affective avec cet ouvrage.
Les règles sont assez narratives pour le dire par euphémisme, ce qui me convient (même si je n’ai pas encore assez étudié le système de combat), je regrette simplement à leur sujet qu’elles n’aient pas réussi à soulever chez moi l’enthousiasme de celles d’Unknown Armies.
Mais c’est uniquement à l’épreuve des faits que je peux faire une critique valable des règles d’un jeu.
Pour ce que j’en ai compris, en tout cas, elles me plaisent bien. J’aime beaucoup l’idée de rendre le joueur non plus acteur, mais metteur en scène de ses propres péripéties, même si je crains que ça n’ouvre de trop nombreux et trop houleux débats, même si tous les joueurs ne sont pas logés à la même enseigne en matière d’imaginaire et de narration, contrairement à un simple jet de dés, je crois que le système correspond bien à l’univers et qu’il peut permettre d’émanciper les plus timides comme il peut offrir de belles occasions d’interprétation.
Sur l’univers tel que décrit, il est, comme je le disais, synthétique et donc, pas trop court. J’aime bien la manière dont Brand a su simplifier, voire vulgariser cet univers que tout un chacun et moi le premier me figurait bien autrement que ce qu’il m’en décrit.
J’aime aussi le fait que contrairement à L5R, il indique clairement que surjouer les scènes protocolaires et tenter de coller 100% aux règles d’étiquette et cie, ne reviendra finalement qu’à gâcher le plaisir de tous. C’est un point important qui peut sembler évident à un vétéran, mais qui casse les parties de plus d’un nioubie.
Je dois reconnaître cependant, que c’est dans la lecture du scénario d’introduction que j’ai vraiment compris combien le jeu me plaisait. Sans dire, loin de là, qu’il est fait pour moi, c’était vraiment ce que j’attendais.
Même si je trouve qu’il ne sera pas forcément évident de mettre en parallèle des personnages créés spécialement pour la campagne et leurs aspirations, avec le temple des cornes (dont l’existence oriente énormément celle des persos), j’adore le cadre, j’adore le fait d’introduire des sommités que je me vois déjà interpréter dans une histoire réelle.
Je ne dis pas que je me sublime dans celle-ci, mais c’est mon kiff à moi.

J’ai dis que le jeu m’aurait déplu il y a 10 ans.
Et pour cause : c’est un jeu mûr, qui s’adresse à un public relativement expérimenté à mon sens. Il n’est pas pensé avec des intentions purement ludiques, le fait que tout tourne autour de la destinée des héros est un indicateur fort. Il demande un investissement avant, pendant et après les parties.
Il ne conviendra pas à énormement de joueurs et de MJ.
Pour autant, à mon niveau et avec mon expérience de jeu, avec les nouveaux impératifs qui encadrent mon existence d’adulte, c’est un jeu parfait.
Le plus dur résidera comme d’habitude dans le partage de l’univers autour de la table, son vocabulaire, ses noms, et ses valeurs nouvelles.
Je regrette comme d’hab’ que John Doe insiste sur ce côté clef en main, mais que l’ouvrage lui-même ne contienne, en définitive, qu’un scénario et que le suivi de la gamme soit laissé à la charge de l’auteur.
Je ne construis plus depuis longtemps à l’improvisade mes propres scénarios et j’aimerais en voir beaucoup sur Tenga que je puisse faire jouer. Car même si le jeu été pensé pour construire autour des personnages, la storyline est trop puissante pour que j’ai envie de la mettre de côté.
Tenga arrive a un bon moment de mon existence, et ce qu’il propose offre un regard neuf sur un univers standardisé bien malgré lui par son prestigieux prédécesseur.
Merci donc à Brand de m’offrir, pour un prix raisonnable, le cinéma japonais qui m’a passionné. Merci de m’offrir les futures tragédies qui seront autant d’occasions de voir mes joueurs briller.
J’insiste sur le remerciement, parce que le jeu ne me déçoit à aucun niveau à la lecture.
J‘espère sincèrement que la gamme s’étoffera. Encore toutes mes félicitations.

Critique écrite en mars 2011.

Philippe 'Rémora' Luthi  

Ce jeu est absolument magnifique... Presque un fantasme. Je suis japonologue de formation (enfin d'après ce que dit la maîtrise que je suis censé avoir bientôt), j'y ai vécu plusieurs années... Et je traduis de la littérature japonaise. Autrement dit, Tenga c'est pour moi un peu comme de revenir à la maison.

Un très bon travail, et un concept un peu "boîte à outils" qui me permet de prendre quelques libertés (j'envisage d'ailleurs de trouver de quoi monter une campagne dans le bakumatsu (1856-1868), période qui me fascine et qui me semble s'adapter au système existant... Enfin, quand j'aurai le temps.

Si la notion de groupe ou le système "diceless avec un d20" peut rebuter des joueurs pas habitués, cela n'est l'affaire que d'une ou deux parties, devant la grande simplicité et la grande liberté qu'offre celui-ci.

La présentation du Japon de l'époque Azuchi-Momoyama (pour les intimes), est faite pour plaire au plus grand nombre ; un capital d'informations qui permettra de vivre de nombreuses parties de par les routes nipponnes en guerre. Bien sûr, les grands amateurs ne manqueront pas de compléter les infos du livre avec les leurs, vu les nombreuses sources en français, anglais et bien sûr japonais sur le sujet.

L'importance de la destinée des personnages dans le monde de Tenga et l'ambiance prosaïque qui découle du jeu me plaisent tout particulièrement.

Le seul défaut me semble découler de la nature même du jeu : en effet, les joueurs qui ne connaissent pas, ou peu le Japon, et en particulier l'histoire et la culture japonaises seront vite perdus, en particulier si le meneur de jeu insiste un peu sur certaines particularités... Mais c'est aussi une bonne occasion d'apprendre !

Si vous aimez le Japon et que vous rêvez de prendre votre destin en main, comme Takeda Shingen, Uesugi Kenshin ou des milliers de courageux héros sans visage avant vous, alors il est temps de vous lancer dans l'aventure Tenga !

Critique écrite en mars 2011.

CCCP  

Tenga donne au joueur un rôle central pour la campagne : Il choisit son karma c'est à dire ce qu'il veut qu'il arrive à son joueur et les joueurs tous ensemble créent le groupe, ce qui est habituellement une tâche dévolue au meneur. En choisissant le groupe, ils choisissent qui ils sont, ce qu'ils veulent, quelles difficultés ils vont rencontrer et quels sont leurs ennemis. Avec cela le meneur a de solides outils pour créer sa campagne

Beaucoup de jeux vont proposer aux joueurs une "success story" : on rencontre des difficultés, on les vainc, on augmente en puissance et on remet ça. Tenga va proposer de la tragédie épique. On a même un plan de campagne en 6 actes qui fait penser à celui de la tragédie classique (exposition de la situation, élément perturbateur, présentation d'une solution, échec, dénouement).

Maintenant la réalisation :
Le thème : le japon médiéval à un moment charnière de son histoire. C'est un thème propice au jeu, riche de situations. Ce n'est pas très original, mais comme c'est une "toile de fond", il vaut mieux ne pas chercher l'originalité. L'univers d'ailleurs n'est pas très développé, mais pour les détails, il y a une littérature abondante.

La présentation  : il y a un petit coté minimaliste, comme sur la couverture ou l'illustration ne prend pas beaucoup de place laisse plus de la moitié de la couverture blanche. J'aime bien, il y a un petit coté zen.

La mécanique minimaliste et déterministe  : on sait ce que peuvent faire les personnages, il n'y a pas de dés à lancer sauf si on le cherche. Les efforts coutent, cela va dans le sens du tragique. Il y a certains petits points sur lesquels je ne suis pas très d'accord (l'absence de caractéristique sociale par exemple).

Critique écrite en mars 2011.

Xaramis  

Lu et approuvé.

C’est de bon gré que j’apposerais cette formule à la fin d’un document me demandant mon avis sur Tenga. Mais, plutôt que d’attendre la fin de ma critique pour l’apposer, je l’ai portée en première ligne : c’est plus direct (même si je reconnais que ça tue le suspense !).

Autant le dire tout de suite également, cela faisait longtemps qu’il me tardait de voir enfin Tenga sous sa forme concrète, aboutie, professionnelle. Je ne me considère pas comme ayant été dans le secret des dieux, mais ça faisait quand même pas mal de temps que nous avions eu des échanges à ce sujet avec Brand. Et j’étais vraiment curieux de ce que serait finalement ce jeu qui a mûri si longtemps, au fil des nouvelles idées, de l’ouvrage remis sans cesse sur le métier, testé et retesté. La « profession de foi » que Brand avait publiée à propos de Tenga avait le mérite de poser explicitement les lignes de force du jeu, et je voulais en découvrir la traduction concrète.

Eh bien, la profession de foi n’était pas de la publicité mensongère. J’ai trouvé, à la lecture de ce jeu, les éléments qui avaient retenu mon attention : même si le décor est celui du Japon au virage du XVIe et du XVIIe siècle, la colonne vertébrale du jeu est celle des personnages eux-mêmes, de leur ambition (ce qu’ils veulent faire de leur vie) et de leur destin (ce vers quoi leur route tend à la fin de leur vie), et des choix qu’ils feront sur ce parcours. Des ressorts universels, dans un décor japonais « médiéval ».

Ma connaissance du Japon à ce tournant de son histoire est vraiment superficiel, nourrie de lectures de quelques romans, BD et ouvrages d’histoire militaire, de la pratique de wargames, et de quelques JdR pas vraiment « historiques » (mais sur lesquels je n’ai jamais craché, question plaisir de jeu) comme Bushido ou Sengoku, le tout saupoudré d’images (d’Épinal, à défaut d’être d’Edo) sur les samurai et les châteaux à étages. Et je n’entendais pas devoir ingurgiter une masse d’informations énorme pour me sentir à peu près à l’aise dans l’univers proposé. Coup de chapeau (conique) à Brand, qui a su donner aux futurs joueurs assez de matière pour rendre l’univers du jeu tangible, et pas trop de matière pour que ce ne soit pas étouffe-bouddhiste. Les curieux (comme moi) pourront aller chercher des précisions dans d’autres ouvrages, pour leur plaisir personnel ou pour détailler certains points des aventures.

Mais le cœur du jeu n’est pas là. Il est bien dans les personnages, ce qu’ils sont aujourd’hui, ce qu’ils voudraient devenir, et ce qu’ils deviendront probablement. Et ce cœur du jeu bat dès la création des personnages et du groupe qu’ils forment. Cette création du groupe, à peu près concomitante de celle des personnages eux-mêmes, est menée par les joueurs, dans une optique qui fait du groupe une entité dynamique (il a sa propre ambition, son propre destin, en tant que groupe). On trouve des mécanismes de création de groupe dans d’autres jeux (je pense, par exemple, à Conspiracy X et ses cellules, ou à Ars Magica et ses alliances) ; mais je n’ai pas l’impression que ces jeux aient poussé la démarche jusqu’à faire du groupe cette entité dynamique avec son ambition et son destin.
Quant aux personnages eux-mêmes, la très étendue galerie d’archétypes (pas moins d’une cinquantaine) donne une idée de la variété de ce que l’on peut incarner. Il y en a vraiment pour tous les goûts, des artistes aux guerriers en passant par les commerçants, les penseurs ou encore les artisans.
Rien qu’en lisant cette galerie d’archétypes, des idées d’aventures à faire jouer viennent à l’esprit.

Le système de jeu, enfin, me laisse une impression mitigée, à sa lecture. J’apprécie grandement sa ligne de base, très déterministe, et l’idée des possibilités de « surpassement » d’un personnage (j’apprécie cela d’autant plus que ça rejoint très bien mes propres réflexions et penchant en termes de système de jeu). Petit coup de chapeau à la table de résolution qui donne la qualité des réussites et des échecs, qui n’est pas sans me rappeler celle du JdR James Bond 007.
Pourtant, certaines options qui gèrent ces diverses possibilités de se surpasser entraînent le recours à des mécanismes qui, sans être insurmontables, obligent à une gymnastique qui s’éloigne sensiblement de la légèreté du système de base. Et, en première lecture, je n’ai pas bien compris comment choisir entre les différentes façons qu’a un personnage de se surpasser ; quelques échanges avec l’auteur m’ont très bien éclairé, mais je regrette qu’il n’y ait pas eu d’exemple aussi clair dans le livre lui-même.

Ajoutons à tout cela que la forme est particulièrement agréable. Le format rend le livre très plaisant à manipuler, la maquette sobre facilite la lecture (pas de polices de caractères fantaisistes, pas de filigrane envahissant), et les illustrations donnent une tonalité sobre, elle aussi, à l’ambiance qui se dégage (on est loin des illustrations exubérantes de L5A 3e édition, par exemple).

Au final, j’attribue donc la note de 5. Non pas que ce soit un jeu parfait, mais c’est un très bon jeu.

Critique écrite en mars 2011.

LeZero  

On commence par Tenga, un jeu que j'ai acquis récemment. Actuellement, il est classé jeu n°1 sur le le Guide du Rôliste galactique, et en effet je pense qu'il le mérite.

Le système de jeu est épuré et simple de compréhension et d'utilisation, utilisant un système semi-diceless. La présentation en table peut paraître un peu indigeste au début mais une fois qu'on les comprend, tout se passe bien. Le système est réaliste, et mortel pour les va-t'en-guerre. Bien sûr, jouer un guerrier est une option tout à fait dans le ton mais on peut mourir très facilement quand même.

Concernant le cadre de jeu, il s'agit d'un courte période entre l'assassinat de Oda Nobunaga en 1582 et l'ascension de Tokugawa Ieyasu au rang de Shogun, au Japon. C'est donc une période très riche, où le clan Oda a passé les dernières années à faire la guerre à tout le Japon, afin de l'unir en un seul pays, mais la mort de Nobunaga remet cette conquête en question et alimente les troubles pour le contrôle du Japon.

Les personnages ne sont pas de grands héros, mais des gens ayant décidé de se révolter contre leurs conditions afin de réaliser leurs karmas. C'est aussi un des points forts du jeu, c'est le joueur qui choisit la destinée qu'il aimerait voir pour son personnage. Le personnage est d'ailleurs créé sur 3 concepts, l'Ambition qui est ce que désire le personnage pour lui, le Karma qui est ce que le joueur veut pour son personnage (qui est peut être la même chose que son Ambition mais qui peut être tout aussi bien différent, voir à l'opposé), et le Destin qui est une épreuve que le personnage devra affronter quoiqu'il arrive, pour se "transcender". Je trouve que ça annonce clairement que Tenga est un jeu plutôt tragique dans sa conception, bien qu'il puisse tout à fait être joué de façon plus légère.

Le deuxième point fort du jeu est la création de groupe. Ici pas de groupe rassemblé de façon plus ou moins anarchique, c'est au groupe de choisir pourquoi et comment le groupe existe. La création de groupe est très complète, bourrée d'options intéressante. De plus, le groupe est une entité, ayant aussi son Karma et son Ambition.

Bref j'ai beaucoup aimé pour son originalité sur les règles, et sur le détail apporté au background du jeu, clairement un travail de passionné, avec un format intéressant, une bonne qualité physique. Bref Tenga c'est du bon, mangez en.

Critique écrite en mars 2011.

dabiglulu  

Ben voici le rabat joie qui ne met que 4/5

Tenga est typiquement le jeu créé par un gars qui s'est vraiment fait plaisir et cela se sent à la lecture, par contre il y a des oublis (on ne peut pas penser à tout). Une fois qu'on a fermé l'ouvrage on se dit que c'est simple mais pourtant il reste des zones d'ombres sur le système et des petits oublis dans la réalisation.

Les moins:

  • Certains points de règles manquent d'exemples pour bien en comprendre le fonctionnement, ces dernières sont relativement simples mais il faut s'y habituer. Et je trouve certains exemples mal choisis.
  • Le scénario du livre aurait dû rester une ébauche pour donner la possibilité aux MJ de le faire jouer s'ils le souhaitent, mais bon on comprend qu'une campagne n'est pas loin de pointer le bout de son nez. Il aurait fallu un autre scénario plus simple d'accès et beaucoup moins dirigiste.
  • Il manque un lexique et un index pour s'y retrouver facilement dans l'ouvrage.
  • Il faudra à un moment ou à un autre que le MJ connaisse vite les caracs de ses PJ car sinon la narration s’en retrouvera saccadée (comme dans un JDR classique), alors qu’ici ce n’est pas l’idée de départ car on est sur un système qui se veut très narratif.

Les plus:

  • Règles simples et efficaces pouvant être customisées à souhait.
  • Le système de blessure est vraiment réaliste et après le premier combat les joueurs vont y réfléchir à deux fois avant de défier quelqu'un en duel.
  • Le background est fouillé mais ne prend pas la tête.
  • L’excellente idée de faire créer un groupe avant de créer les personnages (comme dans Vermine ou Tribe 8).
  • La caractéristique « confiance » (ma préférée) poussant à l’entraide ou la trahison…
  • Un très bon résumé des règles à la fin de l’ouvrage.

AU FINAL : Un très bon jeu comme cela faisait longtemps que j’en avais pas lu et fait jouer.

Critique écrite en mai 2011.

Macbesse  

Je ne peux que féliciter Brand et recommander la lecture de Tenga à tout rôliste, fût-il allergique au Japon médiéval.

Les mécaniques de jeu déployées formalisent dès la création la cohérence du groupe, les interactions entre les personnages, leurs objectifs, leurs valeurs, leur devenir, les conflits potentiels, une thématique de campagne et des pistes de scénarios en pagaille. Sans pour autant figer tout cela, bien au contraire !

Je le recommanderai d'ailleurs tout particulièrement aux rôlistes qui ont un peu de bouteille. Un tel système de création leur fera gagner leurs galons de vétéran - que j'aurais aimé lire ce jeu plus tôt ! Les vétérans, eux, trouveront d'autres réponses à des questions qu'ils se sont posées et confronteront leur pratique à celle qui est proposée par ce système, dans un dialogue qui ne pourra être que fructueux. C'est déjà beaucoup.

Le système de résolution des actions est lui aussi fort intéressant, puisqu'il se focalise plus sur les enjeux narratifs et la prise de risque que sur la confrontation d'une compétence avec une difficulté, tout en permettant le diceless la majeure partie du temps.

Enfin, le système est construit pour donner à la campagne une dimension tragique. C'est une construction à rebours de la pratique habituelle du jeu de rôle et une innovation salutaire. On m'objectera que certains jeux narrativistes ont déjà travaillé cette veine, mais ils ont tendance à s'y limiter alors qu'il ne s'agit que d'un des aspects d'une campagne de Tenga.

Le background est présenté de manière synthétique, dense et claire. En peu de pages, l'ouvrage donne énormément d'informations sur la période. Les factions sont décrites de manière vivante, sans stéréotypes et leur présentation facilitera le travail de création d'une campagne. En règle générale, les données sont bien hiérarchisées et relativement faciles d'accès. Le style de l'auteur, malgré quelques tics d'écriture bien inoffensifs, est agréable à lire.

J'ai deux petites critiques chagrines à formuler, mais là encore, rien de bien grave. Pour commencer, une chronologie aurait été la bienvenue. Bien que je comprenne le choix de laisser une sorte de flou sur la trame événementielle pour faire sentir aux joueurs que le monde change trop vite, en tant que MJ, j'en ai besoin pour construire mes scénarios. N'importe quel ouvrage sur le Japon comble rapidement cette lacune, mais c'est un petit moins. Ensuite, l'ouvrage donne parfois des listes de pratiquants renommés de telle ou telle discipline. C'est une bonne idée en soi, mais il aurait été souhaitable qu'ils soient un peu décrits. Un deuxième scénario qui ne soit pas un début de campagne aurait peut-être aussi été une bonne idée, mais le suivi sur le net s'annonce suffisant pour satisfaire les amateurs de one-shot.

Critique écrite en mai 2011.

Nicolas 'Le Passeur' Henry  

J'en ai rêvé, Brant l'a fait...Ha c'est pas la même marque de frigo, désolé...

Tenga fait partie de ces jeux que j'attendais avec une impatience fébrile et qui comble toute mes attentes aussi bien sur le plan historique que ludique. J'ai préféré l'avoir bien en main avant de poster ma critique, mais force est de constater que je n'ai pas changé d'avis après plusieurs parties.

Le mécanisme fluide, qui n'est pas tout à fait diceless, permet de garder le "piment" du hasard et d'éviter les écueils du "tout narratif", tout en éliminant la course à l'optimisation et les calculs lourdingues. Le combat n'est pas, pour une fois, au centre des règles mais illustre à merveille la frustre réalité des affrontements : on ne sort pas son sabre impunément, mais quand l'acier brille, la vie et la mort ne tiennent qu'à un détail crucial. Ainsi, le grand maître de sabre n'encaissera pas vingt flèches et quatre coups de katana, mais peu auront l'audace de faire le premier geste face à lui.

Mais l'idée géniale de Tenga, c'est la création groupe, véritable générateur de campagne automatique pour MJ fainéant et surtout coffre magique pour ressort scénaristique. L'identité du groupe est forgé par les joueurs eux-même qui ne se contentent plus de s'intégrer tant bien que mal dans une campagne déjà tracée. D'ailleurs, à peu de chose près, le groupe est un personnage à part entière. On évite alors les absurdités des PJ sans rapport entre eux qui s'unissent pour on ne sait trop quelle raison: ici, le Karma est maître et c'est lui qui tire les ficelles de ces destins hors du commun, qui se retrouveront fatalement à un moment ou un autre face à un choix cornélien.

Si on ajoute à ça une excellente maîtrise du sujet partagé avec une simplicité de passionné, à mille lieu du pamphlet universitaire barbant, qu'ajouter de plus, sinon que moi-même étant passionné d'Asie depuis tout petit, j'y ai presque retrouvé tout ce que je voulais voir dans un jeu"asiatisant". Moi qui voue une haine tenace à L5A pour les clichés fantasmé qu'il a répandu sur les Japon, c'est un gros soulagement.

Les archétypes tous intéressants, permettent à des joueurs n'y connaissant strictement rien au sujet de ne pas se perdre tout à fait.

Attention quand même, pour le profane absolu, il faudra revoir quelque notions comme celle de Shogunat, par exemple (comment il fonctionne etc.)

Le traitement de l'éventuel surnaturel est sympathique, mais personnellement je l'utilise plus que rarement, pour ne pas dire jamais, mais peut servir à titre indicatif ou comme élément de fond pour l'ambiance.

Merci donc, M'sieur Brand pour cette perle, conçu sans doute pendant un éveil bouddhique, après avoir écouter les eaux clapoter sous la caresse du vent...

Critique écrite en juillet 2011.

noami  

Je vais tenter d'éviter de faire trop de redites avec les autres critiques pour cette excellent jeu.

Après la lecture du blog de Brand (tartofrez.com) et de ses articles dans la presse spécialisée, on ne peut que remarquer la cohérence de sa démarche car Tenga en est le prolongement preque logique, si l'on peut dire, une mise en application de ces pages de "divagations rolistiques" ou de conseils aux MJ qui auraient pu, sans ça, ne rester que de la vague théorie. Ceux qui apprécient ces textes peuvent donc se jeter les yeux fermés sur Tenga.

Comme certains l'ont dit plus haut, Tenga, à travers ses parti pris de "game design" (importance du groupe, PJs actifs plutôt que réactifs vis à vis de l'univers de jeu, système simple et fluide, etc.), est venu satisfaire des attentes que j'avais et que je tentais tant bien que mal de combler dans d'autres jeux via des règles persos ou des storylines parallèles.

Pour ce qui est de l'univers de jeu, les descriptions sont très didactiques et tout est fait pour décomplexer le néophyte vis à vis de la réalité historique et c'est très appréciable de ne pas avoir à subir le poids de l'histoire. De même, Brand insiste bien sur le côté humains des personnages (PNJs et PJs). Tout ceci afin que les détails historiques ou exotiques ne viennent pas gâcher le plaisir de jeu ou les scénars. Ceci me ferait presque dire que Tenga n'est pas un jdr historique mais plutôt un jdr réaliste du fait de la quasi absence du surnaturel et de la magie.

Au niveau mécanique, je suis relativement étonné que personne n'ait encore mentionné le système des Valeurs morales auxquelles adhèrent les personnages) qui est largement plus souple et plus facile à gérer que, par exemple, l'Honneur dans L5R. Egalement, je me suis surpris à vouloir intégrer une bonne partie des mécaniques de Tenga à mes autres jdr.

Enfin, j'ai beaucoup apprécié la partie explicitant comment créer un arc dramatique pour les persos. La campagne se trouve donc être guidée par l'ambition et le karma du groupe avec, les enjeux des persos venant s'y entrelacer. Par conséquence, ça risque de contrarier certains MJ est que, la campagne étant fortement dépendante des ambitions, karmas et destins du Groupe et des PJs, les scénarios "génériques" demanderont plus d'efforts pour être intégrés à votre campagne.

Pourquoi 5/5 ? Parce qu'à mon humble avis, du fait de son game design et de sa qualité d'écriture, Tenga est indispensable à toute ludothèque rolistique que l'on soit débutant ou expérimenté.

Critique écrite en janvier 2012.

Solaris  

C'est avec une grande curiosité que j'ai ouvert Tenga, vu les retours très positifs dont il fait preuve. Maintenant, avec les critiques déjà publiées sur le Grog, cela ne va pas être facile d'être original...

Déjà sur la forme, John Doe nous offre un livre de qualité, agréable par son format, bien illustré et surtout très bien écrit par son auteur. Maintenant, je regrette le type de papier choisi, pas assez agréable au toucher à mon goût.

Pour l'univers, Brand connait son sujet et cela se ressent. Moi qui ne savait finalement pas grand chose sur le Japon, j'avoue que j'ai dévoré le livre pour en avoir plus sur ce pays qui en fait fantasmer plus d'un.  Le contexte historique de la période choisie est bien présenté. Mais surtout, le quotidien est détaillé : nourriture, vêtements, naissance, "castes"... C'est compréhensible, clair, et surtout, en finalement peu de pages par rapport à une gamme jdr complète, j'ai l'impression d'en savoir suffisamment pour faire jouer, avec un monde vivant.

La création de groupe est mise en valeur et la privilégier avant même la mise en règles des personnages devient une évidence. Pour ces derniers, les trouvailles telles le Karma où le destin sont géniales et méritent même d'être reprises sur d'autres jdr. Pleins d'archétypes sont en plus proposés, utilisables pour les joueurs mais également pour le MJ. Cette partie s'ajoute à la description de l'univers atypique de Tenga pour le concrétiser davantage.

Les Kamis et les religions ne sont pas en reste. D'ailleurs, les kamis (qui peuvent intervenir si le MJ le désire) et le bestiaire offrent un souffle de fantasy, telle une bouffée d'air frais, dans un livre plutôt "réaliste". Et c'est tant mieux.

Les règles en elles-mêmes favorisent le roleplay et le traitement rapide d'une situation donnée. Là encore, c'est relativement agréable.Mais c'est cette partie qui me déçoit un peu. Tout le jeu respire le japon médiéval en plein bouleversement, sauf que les règles semblent elles génériques, voir détachées. Comme si elles pouvaient servir à un autre jdr de suite. Dommage que les règles ne soient pas plus "en lien" avec l'univers (utilisation de mots-clefs spécifiques par exemple ?). Du coup, elles font un peu perdre le charme de la lecture je trouve.

Tenga est un jeu maîtrisé du bout des doigts par son auteur et c'est un réel plaisir. Un petit côté froid pourrait s'en faire ressentir, mais en même temps, les exemples de créations de groupe et de personnages confortent l'imaginaire en priorisant le côté ludique.

Le scénario est complet et implique directement les personnages dans un fait historique qui changera le visage du Japon. C'est du tout bon !

Enfin, là où L5A propose un univers romancé, voir cinématographique, dans un Rokugan, pâle copie du Japon, Tenga se pose comme un monde plus réaliste, plus proche d'un Japon existant. Et pourtant, Tenga réussit lui à me donner envie de maîtriser au pays du soleil levant et j'imagine déjà des pistes de campagne, à l'aide de celles proposées dans le livre de base.

En tous les cas, une belle réussite rolistique dont je suis fier de posséder un exemplaire. Restent les règles que je trouve trop neutres et le papier choisi pour l'ouvrage n'est pas du plus bel effet. Un vrai jdr de passionné.

Critique écrite en janvier 2012.

Wintermute  

Autant le dire tout de suite, Tenga est un très, très bon jeu, même si j'ai quelques critiques à lui faire.
En tout cas, le meilleur compliment qui me vient à l'esprit, c'est d'y avoir trouvé un Pendragon nippon... je ne parle pas au niveau de la gestion d'un territoire ou de sa famille, mais plutôt dans l'aspect épopée forte et tragique, et de cheminer vers un destin aussi épique que fatal. Ca, et une gestion des blessures inutilement compliquée... arf !
Et modernité oblige, je lui trouve aussi certaines caractéristiques (sûrement avant l'heure) de Smallville, où l'on pose les jalons de la campagne et de son thème/atmosphère, à travers les PJ, leurs relations, leurs antagonistes, leur destin. Les chapitres sur la création du groupe et comment tisser la toile du destin pour chaque PJ, sont de petites merveilles de dramaturgie, surtout le second.

Passons aux règles. J'adore le parti pris diceless/jet de dés lorsqu'il s'agit d'accentuer son effort. Cependant il y a pas mal de facteurs à prendre en compte : Risque, Effort, Ki, Fatigue, Blessures... Entendons nous bien, tout ceci offre une mécanique hyper rodée et plus simple que cela en a l'air, mais il m'a fallu aller sur le forum du jeu pour m’apercevoir que quelques uns se posaient alors les mêmes questions que moi. Fort heureusement on y trouve les réponses adéquats.
Ce qui m'amène à ma critique principale : le système, même s'il est court, n'est pas "super bien expliqué". Je ne parle pas de qualité d'écriture, mais plutôt de logique de joueur découvrant les règles, en ayant la sensation que c'est écrit par le prisme d'un MJ qui connait les règles par coeur. Or même si le jeu offre une mécanique très différente de ce qu'on a l'habitude de voir, il ne répond pas assez aux questions basiques tel que "quand je donne un coup, l'autre en face m'en donne un aussi ?" "comment on gère un PNJ" ?...
Il m'a fallu tester cela tout seul pour que la logique du jeu m'explose au visage et que je me dise "ah ouais, c'est vachement bien".
Armé d'une petite fiche récapitulative, et sûrement prochainement de l'écran, on doit s'en sortir sans peine. C'est pourquoi je lui laisse un note de 5 malgré tout.

Voilà, passé cette critique, je trouve ce jeu très fort, s'ouvrant sur différents horizons ludiques comme on en voit rarement et permettant énormément de choses. C'est un appel à de la véritable tragédie, celle qui est belle, émouvante, héroïque et terrible.

Critique écrite en février 2013.

paul muab'dib  

Habituellement les trucs japonais, chinois et hong kongais, même si je ne déteste pas, c'est en général pas mon truc. J'ai suivi bien entendu les mangas de mon enfance, j'avoue en avoir lu quelques uns, suivis aussi en vidéos etc... Mais rien de plus. Amateur de comics je suis, amateur de comics je resterais. Toutefois, j'avoue avoir été séduit par la lecture de Tenga.

J'ai l'impression que notre ami Brand s'est employé à séduire les rolistes comme moi. Les règles sont simples, la création de personnage, entre les archétypes choisis, les deux possibilités de création (la totale ou celle assistée partant d'un profil pré-choisi) est très simple, et le système de jeu quasiment sans jets de dés est lui aussi très fluide. Ce système est simple et ne prend pas la tête : le personnage joueur sait ou ne sait pas faire une action en fonction de ses compétences et de la difficulté de l'action. Dans le cas où il ne sait pas faire, il a le choix de "s'engager" et tenter de faire cette action mais en prenant plus de risques. Le test se fait ensuite avec un d20 confronté à une caractéristique. Couplé à cela nous trouvons un aspect narratif : le joueur qui choisit de prendre un risque décrira les effets de son échec s'il survient. Plus l'échec est grand, plus le bonus au jet est important. De plus les règles prennent en compte les concepts du ki, du karma et du destin, propres au folklore asiatique.

Les descriptions utilisées, les exemples pris pour illustrer les règles ou encore les archétypes de personnages sont "visibles" facilement, et plonge dans l'ambiance le connaisseur du japon comme celui qui ne l'est pas. Il en est de même pour la constitution du groupe, le format de la campagne et les petits trucs qui font la japanisation : "cérémonie du thé", les entretiens (entrainement nécessaire lorsque l'on a un certain niveau de maitrise dans une compétence), les revers de la vie, etc.
Outre l'aspect du personnage, Tenga est avant tout un jeu qui pense au groupe de joueur, son influence, ses particularités afin de l'intégrer dans le fil de la campagne, comme dans un film de Kurosawa.

Tenga prend sa place dans le Japon de la fin du XVIème siècle, une époque où le pays vit des heures sombre et est prêt à exploser de toute part. Cela offre au meneur de jeu une grande lattitude pour la création de scénario, qu'il est envie de faire un pur jeu Japon où une ouverture sur le monde dans le style de la série Shogun avec Richard Chamberlain. Encore une fois, la vulgarisation de cette "partie" historique est particulièrement bien résumée et expliquée.

Les illustrations sont elles à l'image du jeu, bien rendues et inspirantes sans faire dans l'outrance. On est quasiment dans l'illustration "réelle" de scène prises sur le vif.

Concernant le joueur, évidemment autant la vulgarisation du système et de l'époque japanisante est bien faite, autant pour le joueur qui ne connait pas cette époque, certaines choses nécessiteront du temps afin être assimilées correctement, et connaître les cordes à tirer nécessaire pour bien jouer dans la période.

Pour conclure: 

Tenga est d'une lecture étonnamment fluide, reposante et inspirante, sans doute due aux illustrations de mon ami Pierrick, qui rend ce côté Zen, mais aussi par la mise en page et le ton donné dès le départ par Jerôme. J'ai beaucoup apprécié, et je pourrais presque y jouer moi qui ne suit pas fan de ce genre d'univers, reste à trouver un MJ volontaire, car la tâche est ardue.

Tenga c'est du plaisir. (jeu de mot inside... Pour ceux qui google un peu.)

Critique écrite en juillet 2013.

Sama64  

Tenga bénéficie d'une jolie présentation et d'un format très pratique, et il est en plus très bien écrit, donc je l'ai rapidement lu (sauf le scénario et la partie sur le surnaturel) mais pas encore fait jouer.

Je pensais trouver un jeu de rôle japonisant plutôt gritty et sans (trop de) fantastique, permettant de jouer dans une période clé du Japon, et bénéficiant de systèmes à réutiliser ailleurs (création de groupes cohérents, destin /karma/…). Mais j'y ai trouvé bien plus que cela, la partie historique étant très étoffée (sans doute trop pour moi), avec la présentation des clans et personnalités marquantes, et une grosse partie du livre consacrée à des conseils de maîtrise (technique, ambiance, …) bienvenus et très pertinents.

Les quelques illustrations vont du "moyen" au "bon" (je préfère celles des «Errants d'Ukyio») et mettent bien dans l’ambiance (et les portraits des différentes personnalités du Japon sont très utiles). 

La partie sur les archétypes de personnages permet de rentrer dans le vif du sujet rapidement, il y en a pour tous les goûts.

De même, la partie création de groupe est hyper inspirante, bien expliquée. Les notions de destin, karma, privilèges & revers, relations entre PJs (avec un système d’aide et de confiance) sont excellentes (à la lecture) et donnent envie de les utiliser dans d’autres jeux (pourquoi pas Adventure in Middle Earth ?)

Je suis plus dubitatif sur le système de résolution, les combats, les soins/ récupération : tout cela me paraît assez lourd, pas forcément intuitif, et à la grande (trop ?) main du MJ. Mais les nombreux exemples sont heureusement là pour aider à la compréhension (bravo à l'auteur pour l'aspect très didactique). Encore une fois c’est un sentiment à la lecture, pas après avoir testé. 

Par contre la partie historique est très lourde, et même trop pour moi : pour un béotien (comme moi), c’est très complexe (beaucoup d’évènements sur une très courte période), et les noms japonais n’aident pas trop à s’y retrouver.

Pour moi cet aspect historique très touffu me semble un carcan. Je ne vois pas trop comment insérer des PJs là-dedans, je ne suis pas assez connaisseur de l’univers et de cette période pour m’y lancer, à moins de m’inspirer de film/ livre ou BD. Bref, ça me bloque (pour l'instant).

Donc je ne pense pas me servir tel quel de cet excellent jeu, la période m’effrayant un peu, par contre beaucoup de mécanismes sont excellents et inspirants (j’aimerai les (ré)utiliser.) .

Bref, si vous êtes intéressés par le Japon de cette époque, ou que vous recherchez des mécaniques pour gérer des groupes de personnages et leur évolution de façon cohérente et très inspirante, foncez sur ce jeu !

Critique écrite en mai 2018.

Guillaume hatt  

Le livre de Tenga est de facture classique chez John Doe, avec son format A5 et des cahiers encollés. Les couvertures sont à rabats. C'est relativement solide. La couverture donne le ton, immédiatement : sobre et sérieuse, nous allons jouer des personnages "tragiques" au Japon médiéval. Tragique au sens qu'ils ont un karma et une destinée et que nos personnages vont devoir vivre avec et prendre des décisions parfois difficiles.

Tenga se découpe en 4 grandes parties ; la première nous explique les règles et les personnages de base , ce qui permet de démarrer une partie en "10minutes". Une longue liste (judicieuse) d'archétypes est fournie en ce sens.

Le système de règles est simple, souple et adapté pour le type de monde sérieux dans lequel nous allons jouer. Cette partie est finalisée par le Groupe et la création de personnage détaillée.

La deuxième partie est dédié à la description rapide de ce Japon médiéval qui s'ouvre aux mondes extérieurs et qui est dans la tourmente des guerres entre Clans pour le contrôle total du Japon. Les grands Clans, les protagonistes ainsi que les enjeux, et les différentes régions sont posées.

La troisième partie est dédiée au Meneur : elle permet de fournir des règles plus détaillées, des règles optionnelles aussi et surtout plusieurs conseils extrêmement pertinent et riches pour tous les Meneurs (de Tenga ou autres). Oui, ces conseils sont de très haut et de très bon niveau ! Les règles de combat entre spécialistes sont très intéressantes et promettent des combats haletants, assez réalistes et finalement assez sanglants. Elles s'intègrent vraiment très bien dans le contexte et le corpus de règles existantes.

Enfin, la quatrième partie est le scénario, plutôt de bonne facture dans sa trame et les conseils pour le mener. Il nécessitera pas mal de travail de préparation pour les Meneurs car il ne contient aucun plans ni aucune description précises. Plusieurs aspects sont volontairement laissés à l'appréciation du Meneur.

On ressent très bien au fil de la lecture que l'auteur (Jérôme Larré) connaît bien, voir très bien le Japon. Il réussit le tour de force de nous le présenter de manière synthétique et suffisamment riche pour y jouer nos personnages. Le système de jeu est lui aussi simple, fluide et permet une vraie interaction entre Meneur et joueur car il y a toute la simulation du dépassement de soi, de l'effort pour réussir et la prise de risque qui mettra le personnage en danger. Un point que j'ai beaucoup aimé concerne l'échec : oui, on est loin des Gros Bill de nos premières parties de Donj' ! Ici, on utilise l'échec comme ressort de la narration ainsi que comme élément constitutif des personnages et pour l'émotion. Ceci fait vraiment partie des conseils donnés par Jérôme et retranscrit dans le système de jeu.

Au final un bon voir très bon contenu pour ce jeu sur le Japon médiéval, sérieux mais qui n'empêchera en rien les exploits et les émotions pour vous joueurs et meneurs !

La pointe de déception qui m'a étreint à la fin de ma lecture est le manque de scénarios, de pistes supplémentaires qui auraient pu fournir une béquille à nombre d'entre nous qui ne connaissons pas forcément ce monde. A vos lectures Meneurs et joueurs pour vous y plonger plus avant alors !

Critique écrite en juin 2019.

Stephane 'Docteur Fox' Renard  

Je me suis toujours tenu à l’écart des jeux de rôles sur le japon médiéval qu’ils soient fantasy ou non suite à une mauvaise expérience avec un MJ minable qui prétendait masteriser le livre des 5 anneaux sans être capable de rendre quoi que ce soit de la saveur de ce monde si différent du notre.

Il fallait donc un Tenga pour me donner envie de me lancer dans ce genre si difficile, et tout d’abord le coup de foudre en feuilletant l’ouvrage pour le beau langage dans lequel il est rédigé. Et cela se confirme à la lecture : Tenga est écrit avec un style très agréable, narratif mais simple, riche mais accessible, érudit mais modeste.

L’organisation de l’ouvrage répond à tous mes voeux : une introduction rapide, des personnages pré-tirés qui donnent une très bonne idée des pitchs de scénario, quelques règles pour créer les persos, un univers assez riche et complet, les règles plus détaillées, des annexes bourrées de trucs utiles : exactement mon plan de progression préféré dans un ouvrage de JdR. Il manque juste un petit lexique ou un index, mais je suis arrivé à m’en passer tellement l’ouvrage est bien organisé.

Les règles font la part belle à la dynamique de groupe, ce qui est assez rare, au point de probablement permettre de jouer à l’impro sans scénario préconstruit avec une relative facilité. Les personnages sont décrits de façon simple : on n’est pas dans un système pour optimisateurs et comboteurs, mais dans un système tourné vers la narration. Et des éléments de narration, il y en a, plus on creuse et plus on en trouve, ça m’étonnerait que j’utilise tout pour les premières parties, mais tout me plait!!

Au chapitre des regrets : pas assez de personnages féminins proposés, pas de descriptions de grande ville (mais l’auteur s’est largement rattrapé dans Casus Belli 4). Cela reste assez mineur face à l’immense plaisir de lecture que j’ai éprouvé et cette impression que je vais continuer à extraire des diamants de cette mine pendant quelque temps encore...

Critique écrite en mars 2011.

 

«C’est la nuit, il pleut ...»

Je dois vous avouer que j’ai eu beaucoup de chance pour cette critique. J’ai pu tester Tenga avec son auteur, Jérôme « Brand » Larré, comme maître de jeu durant le Festival du jeu de Toulouse 2010. Vous pouvez donc considérer que j’ai aussi une connaissance du jeu en tant que joueur et donc pas uniquement comme un MJ qui aurait fait l’acquisition du livre. Après cet avant propos, attaquons le cœur de la bête.

Les voies du cœur

Il y a des jeux de rôle qui exhalent la passion. On peut y sentir au travers de chaque ligne une implication complète de l’auteur, l’existence d’un lien intime entre son œuvre et lui et c’est ce qui ressort pleinement de Tenga. Jérôme n’a pas simplement écrit un jdr, il donne une passion à partager. Même s’il se défend de présenter une monographie ou un travail de recherche, Tenga est une mine d’informations sur une période passionnante de l’histoire du Japon mais qui a été jusqu’à récemment occultée par l’histoire impériale ultérieure, qui a eu un plus grand retentissement international.

L’époque de jeu de Tenga est une charnière dans l’histoire du Japon. Il s’agit du tristement célèbre incident du Honnô-Ji. Je plaisante, vous ne connaissez pas et c’est normal.

Il s’agit du coup d’état orchestré le 2 juin 1582 dans la cité de Miyako. Le seigneur de guerre le plus puissant de l’époque, Oda Nobunaga, est attaqué à plus de 100 contre un par un de ses généraux, Akechi Mitsuhide. Acculé dans le temple, Nobunaga se suicide rituellement pendant que son jeune page retarde au prix de sa vie les ennemis qui voulaient le capturer vivant.

Ça aurait pu être une attaque comme les autres si ce n’était la personnalité de Nobunaga. Fils d’un petit seigneur provincial, il a réussi en une vie à se retrouver à la tête du Japon et à démarrer la réunification d’un pays déchiré par la guerre civile. Durant son « règne », le Japon va se transformer radicalement. D’un pays agraire et peu développé, basé sur un antique modèle chinois depuis longtemps dépassé, naîtra une nation dynamique aux codes juridiques unifiés, à la littérature naissante, où la base de l’État moderne (entre autres le Nengu ou impôt) sera fondée.

Dans le Japon de cette époque, on est bien loin de ce qu’il deviendra par la suite et qui est généralement connu via le cinéma et les clichés. À l’époque de Nobunaga, les samouraïs peuvent aussi cultiver la terre et s’ils essayent de vivre selon une éthique, finalement un petit meurtre ou une petite trahison ne fait jamais du tort qu’à celui qui en est victime. Les Geishas sont encore des hommes. Ici, un paysan peut ramasser des armes et se mettre au service, payant, d’un seigneur et s’élever dans l'aristocratie militaire. L’empereur est muré vivant avec sa cour dans une cité impériale où il vit un rêve éveillé, tenu en laisse par les puissants chefs militaires de l’archipel. Les sectes et ordres de prêtres guerriers sont un État dans l’État contre lequel Nobunaga n’aura de cesse de se battre. Le fantastique existe mais toujours par la rumeur, par la légende... On est dans l’histoire, pas dans le médiéval-fantastique. Les occidentaux sont présents et les jésuites ont le droit de répandre la parole divine et de convertir des Japonais à cette étrange religion venue de par delà les océans. D’ailleurs, ces fameux occidentaux sont une bonne source de profits pour une bourgeoisie d’affaire qui tire un important bénéfice de la technologie des armes à feu. Oda Nobunaga ne s’y est pas trompé et a, le premier, enrôlé des paysans et autres gens du peuple dans ses armées. S’il faut quelques jours pour former un paysan au tir, il faut des années pour former un samouraï à l’art séculaire du sabre. Devant ce déséquilibre, les armes à feu sont devenues la coqueluche des champs de bataille et l’objet de bien des trafics. C’est dans ce monde qui cherche son équilibre entre modernité (les armes à feu) et tradition (l’empereur est toujours officiellement descendant du soleil) que vont vivre les personnages des joueurs.

La mort de Nobunaga est un moment clé. Il est celui où le Japon peut basculer dans la guerre civile perpétuelle qu’il a connue jusque là ou bien passer à cette période d’unification et de modernité. C’est le moment où rien n’est certain et tout peut basculer, le moment rêvé pour vivre « en des temps intéressants ».

Jouer un rôle

Tenga est un des rares jeux, depuis longtemps, qui m’a donné la sensation de réellement jouer un rôle. Tout le système de jeu repose sur l'identification de la personnalité que vont jouer les joueurs. Ici, un personnage ne se définit pas seulement par ses caractéristiques mais surtout par ce que le joueur attend de lui. Un personnage ne devient un héros que parce qu’il a choisi de le devenir. À un moment donné, le personnage connaît une révolte face à sa situation, révolte qui va le pousser à accomplir son Ambition (ce que le personnage veut pour lui), son Karma (ce que le joueur veut pour son personnage) ou son Destin (ce que prépare le meneur de jeu).

Paradoxalement, réaliser son Karma ou son Destin ne signifie pas obligatoirement avoir une fin heureuse. Un personnage peut tout simplement mourir en restaurant son honneur bafoué et son joueur considérer qu’il a réussi la vie de son personnage. La mort est parfois le bout du chemin inévitable. Ce concept peut désarçonner à première vue mais finalement il retranscrit bien l'intensité dramatique du jeu et de la période.

En plus d’avoir une vie à vivre individuellement, le groupe de joueurs existe en tant qu’entité identifiée dans Tenga. Le groupe aussi a une existence dont il faudra tenir compte. Bien souvent, d’ailleurs, les personnages survivront moins longtemps que le groupe. Il est généralement bien plus rapide pour un individu de croiser sa destinée que pour un groupe son destin.

Par exemple, si le groupe a comme Ambition de fonder une église chrétienne dans la région de Matsu, mais comme Destin de se faire révoquer par les jésuites, chaque personnage peut avoir des buts bien différents.

On peut avoir une Miko timorée qui vient de quitter son temple et dont le Karma est de devenir nonne et le Destin de renoncer aux dieux pour les beaux yeux d’un samouraï. Un autre personnage peut être un marchand ruiné, inapte au combat, dont le Karma est de retrouver un sens à sa vie dans la nouvelle religion alors que son Destin est de périr dans un combat qu’il aura provoqué par erreur. Ou encore un Daimyo en devenir dont le Karma est de reprendre les rênes du domaine familial alors que son Destin est de devenir le fondateur d’une école de sabre.

C’est autour de la réalisation de ces Ambitions, Karmas ou Destins que va tourner l’histoire des personnages.

Le fantastique, bien que présent sous forme de légende ou de rumeurs, n’est pas un élément de l’histoire. Si on peut en appeler aux Kamis (aux esprits) ceux-ci donneront des signes, des rêves ou des coïncidences mais n’apparaîtront jamais directement. Le surnaturel n’existe pas, les Kamis font partie de la nature mais ce sont les hommes qui ne comprennent pas toute la nature. L’étrange vient de l’inconnu, pas du fantastique. Le monde est suffisamment étrange avec ses prières exaucées ou ses technologies qui tiennent de la magie pour qu’on n’ait pas besoin de démons pour faire dans l’étrange.

Au passage, n’espérez pas jouer des samouraïs indestructibles. Si l’époque est propice pour entrer dans l’histoire les armes à la main, elle l’est aussi pour y entrer les pieds devant. Les combats sont presque toujours mortels et les blessures ne se soignent pas par magie mais avec des soins, sommaires et parfois pire que le mal, et surtout du repos. Ici, si on prend un vilain coup, il vous suivra le restant de vos jours, en vous handicapant définitivement. Parfois même, c’est tout simplement le Destin du personnage que de perdre ce qui faisait sa force pour le mener vers un Karma dont il ne soupçonnait même pas l’existence. Un conseil : ruse et subtilité seront toujours moins dangereuses que force brute et hauts faits d’arme mais bon, c’est vous qui voyez au final.

Alors c’est tout bon ?

Si le jeu est génial (oui, un superlatif) à jouer en tant que joueur car on y vit réellement le personnage et on le « joue » réellement, la vie du MJ dans Tenga n’est pas un long fleuve tranquille.

Les règles bien écrites disposent d’une version simplifiée qui permet de jouer tout de suite. Avec 54 archétypes disponibles, il est possible de jouer en 10 minutes, explications comprises. De plus, comme les personnages historiques, les joueurs ne connaissent pas le monde dans son ensemble mais seulement quelques infos sur leur lieu de vie, voire des rumeurs ou des on-dit. Il n’y a que quelques personnages importants qui soient connus de tous, comme Oda Nobunaga. Donc, il y a peu de travail de préparation de la part des joueurs.

Par contre, le MJ, lui, a du pain sur la planche. Le monde est déjà particulier à maîtriser. Si l’exotisme du Japon de cette époque devait être comparé, il le serait au moins à l’univers de Tolkien. Entre les clans, les sectes, les religions, les habitudes, traditions, cérémonies du thé et autres codes d’éthique, il y a de quoi apprendre. Même si l’auteur insiste sur la jouabilité plus que sur la réalité historique, un MJ digne de ce nom se devra de faire un sérieux travail de recherche et d’écriture. De plus, la création d’une campagne se base sur le Karma et le Destin du groupe et des personnages. Dès lors, toute campagne sera faite sur mesure, scénario par scénario. Malgré le fait qu’on nous donne une très belle leçon de « jeuderologie » en proposant toutes les clés pour réussir, il n’en reste pas moins un travail plus que conséquent.

Devant une telle tâche, Tenga n’est décidément pas destiné à des MJ débutants ou des MJ n’ayant que peu de temps disponible. Pourtant, une fois le monde maîtrisé et la campagne structurée, le plaisir de jeu en vaut largement la chandelle mais libre à chacun de tenter ou non l’expérience.

En résumé, si vous avez du temps et de l’énergie, jetez-vous sur ce jeu en tant que MJ, vous vivrez une expérience unique. En tant que joueur, ne ratez pas l’occasion de vous plongez dans une période où tout est possible et où un homme peut forger son Karma de ses mains.

Critique de Romuald "Radek" Finet publiée dans le Maraudeur n°1

Critique écrite en août 2012.

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