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Interview : Les naufragés du Triangle

Par Eilléa Femelle

Rubrique : Interviews
Date : 29 octobre 2012

Venu présenter pour la première fois "Les naufragés du Triangle" à l’occasion de la troisième édition d’OctoGônes, Mahyar Shakeri a accepté de répondre à quelques questions pour lever une partie du mystère entourant ce jeu plongeant les joueurs au cœur des Bermudes.

Tout d’abord Mahyar, peux-tu nous présenter un peu le pitch du jeu ?

Bonjour Élise, d'abord merci pour cette entrevue. En passant rapidement sur les questions que tu proposes, je vois que tu as d'emblée mis le doigt sur des sujets très intéressants.

(NdGrog : ce n'est pas en nous cirant les pompes que tu finiras au paradis, Mahyar !)

En ce qui concerne l'accroche du jeu : les joueurs incarnent tous, sans exception (c'est important, parce qu'il n'y a pas de meneur attitré), des naufragés perdus dans les eaux noires des Bermudes. Ils se réveillent alors à bord d'un des célèbres navires disparus (représenté par un plateau) et se rendent compte que quelque chose cloche ! Des forces supérieures sont à l'œuvre. Et c'est un des joueurs qui en est responsable. En effet, celui-ci joue le Diable et son but est d'entraîner les autres en Enfer.

Les Naufragés du Triangle est un jeu de mises en situation, chaque joueur devient meneur à son tour pour tenter de percer à jour l'imposteur. Car les rôles sont distribués aléatoirement et secrètement en début de partie. La récompense si vous trouvez le Diable ? Votre âme.

Vous êtes plusieurs derrière ce projet. Peux-tu nous dire quelques mots sur les membres de l’équipage des Naufragés ?

Plusieurs ? Tu veux dire une armée ! À l'heure qu'il est, nous sommes trois.

L'essentiel fut d'abord de trouver des collaborateurs proches, niveau état d'esprit, envie et entente. Car j'ai du mal à travailler sans savoir qui se trouve derrière le mail. La force d'une équipe repose sur sa capacité à mutualiser les compétences et le plaisir qu'elle a à le faire. Si d'autres parviennent à fonctionner sans connaître la personne derrière un travail, moi j'en suis incapable. Former l'équipe graphique est malgré tout venu assez tard, j'ai d'abord préféré me concentrer sur le jeu.

Pour Vincent Devault, plusieurs conditions étaient réunies. Sans compter qu'il m'a achevé avec l'argument ultime "Mahyar, si tu fais un jeu avec Mad Max - Conan - des satanistes - du Metal, prends-moi !!". J'espère qu'il n'est pas déçu pour Conan... Et accessoirement, il a aimé le principe des Naufragés du Triangle. Son talent, vous avez sûrement dû déjà le voir. Dans les gammes Warhammer 40K par exemple, chez Fantasy Flight Games. Vincent est coupable de la fresque principale du jeu et n'a pas hésité un instant à partager sa solide expérience.

L'autre collaborateur, c'est Josselin Grange. Nous avions déjà travaillé ensemble. J'ai écrit une campagne (le coffret intitulé Les Cantiques de Karsan) pour son univers, Anoë. À l'époque c'était sur son terrain de jeu. Nous avons aimé cette connivence et son résultat. Il devenait donc évident que nous allions retravailler ensemble. Nous avons remis le couvert, et nous espérons le faire de nouveau. Josselin est prolifique sur Anoë, maquettiste sur Subabysse, et a réalisé la charte graphique des Naufragés du Triangle. Sa maîtrise de la PAO et ses conseils pratiques ont été un atout.

De mon côté, j'ai encadré le projet. J'en suis l'auteur, et vous avez peut-être par hasard croisé mes textes sur certaines gammes, comme Shade, Pendragon, Crimes, Cyberpunk ou Casus Belli (V3 & V4).

Depuis quand développez-vous ce projet, et où en est-il à l’heure actuelle ?

Quelques années déjà. Mais je n'annonce jamais un jeu qui n'est pas terminé. Le temps passé à en parler sur le Net, c'est le temps perdu à ne pas travailler dessus. Cela ne m'a pas empêché de proposer durant le développement de nombreux playtests publics, via mon compte Facebook, pour bénéficier des retours de joueurs extérieurs.

Puis, quand le jeu a été annoncé (mi-septembre 2012), il était fini. J'avoue avoir été surpris de voir des intéressés s'étonner de l'aboutissement du jeu. Parce que je venais à peine de le rendre public. C'est ma manière de fonctionner (pas la meilleure, juste la mienne), se concentrer sur le travail, éviter les dispersions (ma PS3 m'en veut encore). Mais dans tous les cas, il était hors de question de présenter le jeu sans une multitude de validations de playtests et un plan de bataille.

Les organisateurs d'OctoGônes 3 nous ont merveilleusement accueillis pour cette première présentation officielle. J'en garde encore un sourire jusqu'aux oreilles tant j'ai pris plaisir à partager l'expérience avec les joueurs inscrits aux tables de démo.

Aujourd'hui, le jeu n'attend plus que son éditeur. Quelques propositions se sont présentées, mais clairement, si j'ai la chance de travailler avec quelqu'un d'impliqué, je n'hésiterai pas une seconde. Soit dit en passant, je reste conscient qu'être éditeur, ça signifie être le garant d'un savoir-faire. En ce sens, face aux conseils et avis éclairés, c'est évident qu'il faudra rester à l'écoute.

Peux-tu nous dire quelques mots sur le système de jeu qui est proposé ? Vous employez les termes de « narratif » et « collaboratif », peux-tu nous en dire davantage ?

Ta question rejoint pas mal la suivante. Les Naufragés du Triangle utilise les codes narratifs du jeu de rôle, et s'appuie sur le média d'un plateau : le navire. Chaque personnage est représenté par un pion que les meneurs vont déplacer au cours de la partie dans six lieux emblématiques.

Il faut savoir qu'à la mise en place d'une partie, les joueurs créent individuellement et secrètement leur alter-ego. Ils lui attribuent un métier, une description, une époque (1840 à nos jours), un matériel de poche, un dernier souvenir du naufrage et quelques vices sur la base des 7 péchés capitaux. Si vous tirez le rôle du Diable, vous en possédez forcément plus que les autres autour de la table. Tout le sel du jeu consiste ici à mettre en scène les péchés, pour les percer à jour. Plus on en sait sur vous, plus les risques de perdre votre âme sont importants.

Pour le côté collaboratif, c'est simple. Le plus souvent, le joueur qui incarne son naufragé est seul face aux autres joueurs, s'improvisant conteur. D'où la connexion avec l'aspect narratif. À l'instar de n'importe quel jeu de rôle, on tisse l'histoire ensemble, s'immerge dans une ambiance et installe le décor.

Chaque séance fonctionne en crescendo : plus les péchés sont mis en scène, plus le décor change et s'avilit. Jusqu'au moment ultime où l'identité du Diable est révélée. Alors, certaines âmes sont sauvées et d'autres, damnées.

Vous précisez sur vos flyers « un jeu de société ». Pourquoi avoir opté pour cette appellation ? En quoi se distingue-t-il du jeu de rôle (JDR) ? Et en quoi les rôlistes resteront néanmoins en terrain connu ?

Ça ne se distingue pas du JDR, c'est complémentaire. Attention, je te vois arriver avec tes mignons petits sabots ! Je ne dis pas que le JDR est un loisir partiel, mais que Les Naufragés du Triangle emprunte aux deux supports pour former un ensemble.

Pourquoi avoir choisi "jeu de société" ? Je suis parti du principe que c'était la première chose qu'on voyait du jeu. J'aurais pu très bien dire que c'est un "jeu de rôle, narratif et collaboratif", mais ça a moins de sens. L'appellation pourra être amenée à évoluer en fonction des rencontres, cependant pour l'instant je préfère favoriser l'approche visuelle et flagrante à celle, conceptuelle.

Le rôliste s'y retrouve carrément. C'est même une idée-force du jeu : retrouver toute l'essence du jeu de rôle, sans dés, avec des jetons et un plateau. Je fais partie moi-même du cœur de cible. Rôliste passionné, une vie personnelle bien remplie, des activités accaparantes, toujours l'envie de pratiquer du JDR, mais pas forcément le temps de préparer à chaque fois une séance. Sans compter les thèmes auxquels je suis sensible, trouver un moyen de mettre facilement et rapidement en place une partie de JDR a été le leitmotiv pour concevoir ce jeu.

Le jeu est présenté comme inspiré de films tels que Destination finale et Cube. En quoi ? Quelles ont été vos autres inspirations ?

Ces deux films culte déploient des thèmes durs, sur un principe très simple. Et ils arrivent à se renouveler tout au long de la bobine. Le jeu fonctionne de la même manière.

Il part de thèmes faciles à saisir (des naufragés confrontés à des horreurs) et gagne progressivement en ampleur. À mesure que la partie avance, on en apprend davantage sur les naufragés : leurs noms, les raisons de leur naufrage et leurs vices ! Puis, le navire change de visage et apporte des éléments narratifs supplémentaires pour agrémenter l'ambiance et accompagner les révélations. Jusqu'au point d'orgue, qui est la découverte de l'imposteur. Le Diable.

Côté inspirations, on reste sur ces films, encore. Des séquences sanglantes, un huis clos, la course à la vérité, et parfois un second degré percutant. Et comme la narration repose sur les goûts de tous les joueurs, impossible de ne pas avoir une table en adéquation. Bien sûr, certains joueurs sont moins à l'aise avec la narration que d'autres, mais l'astucieux principe de collaboration pousse le jeu à ne laisser personne sur le côté.

Si ces films ne vous parlent pas, on peut également faire référence aux célèbres Silent Hill (les premiers jeux vidéo et le film du frenchie Christophe Gans) et à l'excellentissime jeu vidéo Dead Space, réalisé par Visceral Games/Electronic Arts.

Merci beaucoup d’avoir accepté de répondre à ces questions. Pour conclure, peux-tu indiquer à ceux qui souhaiteraient suivre le projet, où il est possible de trouver des informations régulières ? Il y a une page Facebook, c’est bien ça ?

Mais merci à toi. Le jeu vient à peine d'être annoncé et tu es ma première interlocutrice sur le Net, de surcroît pour le Grog. Ça mérite d'être souligné. J'ai encore moult milliards de choses à dire sur le jeu, ses perspectives, ses options, nos envies, mais gardons quelques surprises sous le coude.

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